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Les Berg tirent leur révérence Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 05/14/2008 - Joseph Haydn : Les Sept dernières Paroles du Christ sur la Croix, opus 51, Hob.XX :2 (Introduzione)
Alban Berg : Suite lyrique
Franz Schubert : Quatuor à cordes n°15, opus 161, D. 887
Quatuor Alban Berg : Günter Pichler, Gerhard Schulz (violon), Isabel Charisius (alto), Valentin Erben (violoncelle)
Trois ans après le décès de l’altiste Thomas Kakuska, le Quatuor Alban Berg met un terme à ses activités à l’occasion d’une tournée d’adieux qui se conclura à la fin de cette saison et dont Bruxelles constitue l’une des étapes. Günter Pichler (premier violon) et Valentin Erben (violoncelle) auront été de l’aventure depuis sa fondation en 1970 ; une remarquable longévité conjuguée à une grande homogénéité dans la mesure où les Berg se sont produits durant presque un quart de siècle dans la même constitution, celle qui leur a permis d’entrer dans la légende, avec Gerhard Schulz au second violon (depuis 1977) et Thomas Kakuska (1981). Outre sa valeur symbolique, le remplacement de ce dernier par son élève Isabel Charisius garantissait, en quelque sorte, la pérennité de l’ensemble.
Seulement voilà, le Quatuor Alban Berg a souhaité tirer sa révérence sur une impression positive, sans prendre le risque d’une baisse de qualité et d’écorcher son image de marque. Deux programmes ont été conçus pour cette tournée d’adieu, avec quatre compositeurs figurant au cœur de son répertoire : Beethoven, Haydn, Berg (bien sûr) et Schubert. Les trois derniers furent retenus pour le premier concert du quatuor à Vienne et ce sont eux qui sont à l’affiche de cette soirée bruxelloise qui a suscité, malgré le temps estival, une belle affluence.
Cette ultime prestation dans la capitale, conclue par une ovation aussi intense que sincère, permet de relever une nouvelle fois les qualités de la formation, à commencer par une remarquable mise en place, comme en témoigne l’Introduzione des Sept dernières paroles du Christ sur la Croix de Joseph Haydn, joué quasiment sans prétention, avec cette classe et ce naturel qui font les quatuors d’exception.
Le Quatuor Alban Berg s’est toujours montré attaché à insérer dans ses concerts une œuvre du XXe siècle, règle évidemment de rigueur lors de sa tournée puisque les quatuors d’Alban Berg (l’Opus 3 et la Suite lyrique) figurent dans les deux programmes. Il n’aurait pu en être autrement, le compositeur autrichien prêtant son nom à la formation, en référence à son affinité pour la tradition viennoise tant classique et romantique que contemporaine. Les Berg s’y montrent une fois de plus stupéfiants, plaçant l’expression au centre de leur discours et témoignant d’autant de rigueur que d’attention portée aux détails et aux nuances. Mais sans doute peut-on concevoir une approche encore plus âpre, incisive et violente.
Autre grand Viennois et autre spécialité du quatuor : Franz Schubert, avec un Quinzième Quatuor qui échappe à toute critique, même si la technique, élevée, ne s’avère pas infaillible pour autant. Les musiciens ne l’interprètent pas comme s’ils avaient encore quoi que ce soit à prouver, ni même comme si leur destinée en dépendait, mais entre vieux amis qui n’ont manifestement plus aucun secret l’un pour l’autre. Dans cette réalisation évitant tout extrême, à la fois pudique, émouvante et élégante, l’énergie est parfaitement canalisée et les motifs prennent un relief particulier. Le quatuor remercie le public avec, en bis, une très émouvante interprétation du deuxième mouvement du Quatuor « Lever de soleil » de Haydn.
Un adieu définitif ? Pour la formation viennoise, certainement, mais ses membres poursuivront néanmoins séparément leurs activités musicales (direction d’orchestre pour Günter Pichler, membre d’un trio pour Gerhard Schulz, concerts avec les Belcea et Arditti pour Valentin Erben, pour ne citer que les « anciens ») tandis que l’esprit du Quatuor Alban Berg se perpétuera sans nulle doute à travers les ensembles qui ont étudié à ses côtés, les Artemis en tête. Mais il nous manque déjà.
Sébastien Foucart
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