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Anthologique

Bruxelles
Bozar, Salle Henry Le Bœuf
05/07/2008 -  et 11 mai 2008 (London)
Arnold Schönberg : Die glückliche Hand, opus 18
Matthias Pintscher : Osiris (création européenne)
Béla Bartók : Le Château de Barbe-Bleue, opus 11

Michelle De Young (Judith), Peter Fried (Barbe-Bleue)
BBC Singers, London Symphony Orchestra, Pierre Boulez (direction)


Pierre Boulez avait offert la veille une formidable leçon de direction à la tête du London Symphony Orchestra. Suscitant également le plus vif intérêt, le programme du second concert, précédé d’une rencontre avec le musicien français, s’inscrit pour sa part dans le cadre de la somptueuse série des European Galas qui se clôt à cette occasion. Une phalange prestigieuse, un chef d’orchestre célèbre, un pilier du répertoire lyrique du XXe siècle, il n’en faut pas plus pour attirer rue Ravenstein la foule cosmopolite des grands soirs.


En l’espace de vingt-quatre heures, le London Symphony Orchestra n’a évidemment rien perdu de sa superbe. La réalisation instrumentale s’avère toujours aussi supérieurement aboutie, surtout à titre collectif, et le résultat sonore fastueux et fabuleux d’impact. Cette soirée, faisant cette fois-ci intervenir la voix, confirme, au risque d’enfoncer des portes ouvertes, la place qu’occupe la formation londonienne au sein du club très select des orchestres d’exception.


Une poignée de choristes du BBC Singers, seul chœur de chambre entièrement professionnel de Grande-Bretagne, s’aligne au sein des instrumentistes et quelques musiciens restent en coulisse pour Die glückliche Hand (1910) de Schönberg, archétype de l’expressionnisme musical. Révélant toute la modernité de ce bref « drame en musique en un acte », Boulez, avec sa minutie habituelle, tire de l’orchestre un climat onirique, des couleurs sombres et des humeurs subtilement fluctuantes tout à fait en situation, et ce sans exacerber d’une façon démesurée le post-romantisme. Une réussite à laquelle contribue le Hongrois Peter Fried, baryton-basse bien chantant, traduisant les états d’âmes de l’artiste en lutte contre lui-même.


Pierre Boulez assura le 21 février dernier à Chicago la création d’Osiris de Matthias Pintscher (né en 1971), grandiose et saisissante partition dédiée au chef ; à ne pas confondre avec towards Osiris, étude préliminaire du compositeur allemand qui suscita des appréciations pour le moins divergentes (voir ici, ici et enfin ici). A Bruxelles échoit la création européenne, en présence de l’auteur, de cet ouvrage inspiré de l’œuvre homonyme de Joseph Beuys (1921-1986) et dont la structure repose sur le processus de ce récit mythologique, de la fragmentation à la réanimation. Sans doute peut-on reprocher un manque d’économie dans les moyens, Pintscher semblant vouloir créer à tout prix un maximum d’effets sophistiqués en un minimum de temps, mais reste que la séduction de cette musique complexe, rutilante et qui semble ravir les musiciens (du moins les percussionnistes qui s’en donnent visiblement à cœur joie), s’opère durablement et sans peine.


Donné sans le prologue parlé, appendice probablement moins indiqué pour une version de concert, Le Château de Barbe-Bleue (1911) de Bartók achève ces deux soirées qui auront constitué sans aucun doute un des points forts de la saison bruxelloise. Boulez dirige cette partition, qu’il fréquente de longue date, tel un immense poème symphonique d’un seul tenant, dans toute son unité, et avec des effets sonores des plus flatteurs. La densité du propos et les aveuglants sommets d’intensité expressive ne compromettent en aucun cas la prestation habitée, quoique légèrement rigide, de Michelle De Young et Peter Fried, partie intégrante de la superbe étoffe tissée par le chef. Le duo signe une remarquable incarnation, ravissant tant par leur chant que par leur tenue expressive. Peter Fried préserve à ce titre la part de mystère que réclame le personnage de Barbe-Bleue tandis que le timbre et le format vocal de la mezzo-soprano américaine conviennent à merveille au rôle de Judith.


Les European Galas s’annoncent tout aussi prometteurs la saison prochaine puisque la Salle Henry Le Bœuf verra défiler rien moins que l’Orchestre Mariinsky (avec Valery Gergiev), l’Orchestra of the Age of Enlightenment, les Berliner Philharmoniker (tous deux dirigés par Simon Rattle) et l’Orchestre Philharmonique tchèque (avec Zdenek Macal). A vos agendas !



Sébastien Foucart

 

 

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