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Strauss et Mahler inspirés par les légendes allemandes Paris Salle Pleyel 04/26/2008 - et 24 (Innsbruck), 25 (Lugano), 28 (Bruxelles) avril, 2 (Brugge), 3 (Rotterdam), 4 (Baden-Baden) mai 2008 Richard Strauss : Till Eulenspiegels lustige Streiche, opus 28 – Wiegenlied, opus 41 n° 1 – Waldseligkeit, opus 49 n° 1 – Ich wollt’ ein Strausslein binden, opus 68 n° 2 – Morgen!, opus 27 n° 4
Gustav Mahler : Symphonie n° 4
Miah Persson (soprano)
Orchestre du Festival de Budapest, Ivan Fischer (direction
Lorsque Richard Strauss compose Till l’espiègle (1894–1895), il est déjà l’auteur de trois poèmes symphoniques reconnus (Macbeth, Don Juan, Mort et transfiguration). Au sein de cette production, les Plaisantes facéties de Till l’espiègle sont à la fois la pièce la plus brève et, comme son titre le laisse entendre, la plus joyeuse. Si l’Orchestre du Festival de Budapest se montre parfaitement à la hauteur de l’œuvre (qui exige beaucoup des instrumentistes, notamment du cor solo, du violon solo ou de la petite clarinette en mi bémol), la conception adoptée par Ivan Fischer déçoit d’emblée. Alors que le propos devrait être grinçant, moqueur, acerbe, l’histoire est ici beaucoup trop sagement racontée. Le tempo, retenu tout au long de l’exécution, masque ainsi l’emballement dans lequel se trouve plongé malgré lui le héros et qui le conduit finalement à sa perte. Le tourbillon attendu n’est pas au rendez-vous et la farce voulue par le compositeur demeure inaboutie.
1895, année de composition de Till, est fondamentale dans la vie de Richard Strauss puisqu’il s’agit aussi de celle de son mariage avec Pauline de Ahna. Cette excellente cantatrice, qu’il avait rencontrée dès 1887 alors qu’il lui donnait des leçons de musique, fut à l’origine de sa décision d’orchestrer certains de ses lieder. C’est notamment le cas de Wiegenlied (1900) et de Waldseligkeit (1919). Absolument irréprochable dans l’un comme dans l’autre, la soprano Miah Persson, avec une véritable intelligence du texte, les interprète avec beaucoup de justesse, parfaitement accompagnée par un orchestre attentif aux moindres intentions du compositeur qui n’était alors guidé que par la félicité de son nouveau bonheur conjugal. Le troisième lied, Ich wollt’ ein Strausslein binden est sans conteste le plus opératique des quatre programmés au cours de la soirée ; faisant partie d’un cycle de six poèmes de Clemens Brentano (connu comme étant un des éditeurs du Knaben Wunderhorn), il fut composé en 1918 mais orchestré seulement en 1940 à l’attention de la grande soprano Adele Kern. L’intimité de la déclamation de Miah Persson fait alors place à un discours vocal beaucoup plus libre, affranchi de toute contrainte. Le dernier, Morgen! (1897), un des sommets parmi la trentaine de lieder orchestrés par Strauss, fait, quant à lui, partie d’un cycle offert à Pauline en 1895 en guise de cadeau de mariage. Principalement accompagnée des cordes (mention spéciale devant être faite à l’irréprochable violon solo de Violetta Eckhardt) et de la harpe, judicieusement placée au premier rang de l’orchestre entre les altos et les violoncelles, Miah Persson fut enchanteresse : simplicité voire humilité devant une musique qui se suffit à elle-même, elle s’affirme indéniablement comme une très grande straussienne que l’on a hâte d’entendre de nouveau dans ce répertoire.
Dans une lettre adressée en octobre 1887 à Hans von Bülow, Richard Strauss lui fait part de sa rencontre avec « une nouvelle connaissance tout à fait délicieuse (…) un musicien et un chef d’orchestre d’une haute intelligence ». Gustav Mahler, puisque c’est de lui dont il s’agit, n’a plus grand-chose à prouver lorsqu’il compose sa Quatrième symphonie (1899-1900). Ici encore, Ivan Fischer pèche par excès de sagesse. Le premier mouvement est interprété de façon trop prosaïque, le tempo retenu contribuant à rendre le propos quelque peu ennuyeux. De même, dans le second mouvement, Fischer semble préférer un discours soigné à l’atmosphère grinçante voire rustique souhaitée par Mahler. Avec le troisième mouvement, il paraît en revanche dans son élément : laissant l’orchestre jouer, n’intervenant qu’avec parcimonie, veillant à l’admirable équilibre ainsi créé, il invite le public à communier avec l’orchestre tout entier dans une atmosphère quasi irréelle. La transition est ainsi magnifiquement assurée avec le finale, le lied Das himmlische Leben tiré du Knaben Wunderhorn, où le chef et la soprano sont à l’unisson pour offrir un moment de pur bonheur musical dont on ne peut que regretter qu’il n’ait pas débuté dés le premier mouvement...
En bis, Ivan Fischer et l’Orchestre du Festival de Budapest ont choisi des Danses folkloriques roumaines de Bartok, aux merveilleux accents tziganes. Que dire de plus si ce n’est que ce répertoire leur est aussi naturel que peut l’être une valse de Johann Strauss pour l’Orchestre philharmonique de Vienne?
Le site de l’Orchestre du Festival de Budapest
Sébastien Gauthier
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