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La dextérité de l’Orchestre national de France

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/24/2008 -  
Henri Dutilleux : The Shadows of time (*)
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 5, opus 64

Amel Brahim-Djelloul (soprano)
Orchestre national de France, Simon Gaudenz (*), Kurt Masur (direction)


Presque dix ans après sa création française, en ce même Théâtre des Champs-Elysées, sous la baguette de son dédicataire Seiji Ozawa, le 20 mars 1998, The Shadows of Time d’Henri Dutilleux est devenu un véritable classique des orchestres à travers le monde. Composé de cinq épisodes pour orchestre et trois voix d’enfants (ce soir remplacés, comme c’est souvent le cas, par la voix d’une soprano solo), cette large pièce orchestrale se veut avant tout un témoignage du traumatisme subi par les victimes de la Seconde Guerre mondiale. Le jeune chef Simon Gaudenz (né à Bâle en 1974) en assurait la direction. Après avoir notamment été pendant quatre ans directeur artistique de l’ensemble camerata variabile, il est actuellement chef d’orchestre principal du Collegium Musicum de Bâle. Force est de constater qu’il s’acquitte de sa tâche avec maestria, aidé par un Orchestre national exceptionnel. Doté d’une direction précise, attentif à la moindre intervention instrumentale, le chef veille parfaitement au bon équilibre des plans sonores et à la cohérence de l’œuvre. Si le premier mouvement Les heures manque de tension, l’orchestre fait, dans le deuxième, preuve d’une totale virtuosité, la cohésion des cuivres le disputant à la dextérité des bois. La soprano Amel Brahim-Djelloul, en revanche, déçoit. Perchée au premier balcon du côté des premiers violons, elle manque singulièrement d’émission et surtout de simplicité dans ce troisième passage (Mémoire des ombres) qui, dans l’esprit du compositeur, est dédié à Anne Frank et aux enfants innocents victimes de la barbarie nazie. La performance orchestrale explose de nouveau dans les Vagues de lumière et Dominante bleue ?, où les flûte et hautbois solo, d’une part, les trompette et cor solo, d’autre part, sont particulièrement sollicités.


Pour la seconde partie du concert, le National retrouvait son chef titulaire, Kurt Masur, chaleureusement applaudi dès son entrée sur scène (Simon Gaudenz ayant, à cette occasion, discrètement rejoint les spectateurs placés à l’orchestre). Les traits minimalistes de Dutilleux font place aux élans postromantiques d’une des dernières symphonies de Piotr Ilyitch Tchaïkovski, la Cinquième. Créé à Saint-Pétersbourg le 5 novembre 1888 sous la direction du compositeur, ce monument nécessite d’être parfaitement tenu d’un bout à l’autre afin de mettre en valeur le thème introductif qui réapparaît au fil des quatre mouvements, à l’image de ce qu’a pu faire un Berlioz dans sa Symphonie fantastique. Bien que cette œuvre ait déjà été interprétée à plusieurs reprises par les protagonistes de cette soirée (en novembre 2003 puis en juin 2005, ce dont témoigne un disque paru chez Naïve), le premier mouvement laisse pourtant une impression mitigée. Alors que le chef souhaite visiblement adopter un tempo plus allant, l’orchestre joue l’allegro con anima de façon très retenue. Le solo trop alangui du basson de même que l’adoption de tempi fluctuants rendent le propos peu cohérent et difficile à suivre. L’andante cantabile, en revanche, est une véritable réussite. Introduit par un cor superlatif, bientôt rejoint par la clarinette solo puis par l’ensemble de la petite harmonie, la partition évolue avec naturel, sans être alanguie ni sirupeuse, Masur privilégiant le côté dramatique sans pour autant sacrifier l’émotionnel. Le chef parvient ainsi à conclure le mouvement dans une totale quiétude après avoir, quelques minutes auparavant, empli la salle d’un impressionnant fracas orchestral. La Valse nous rappelle, si besoin était, que Tchaïkovski était un génial compositeur de ballets. Empreint d’une grande théâtralité, l’orchestre nous plonge dans une atmosphère enfantine qui contraste fortement avec la tonalité grave du reste de la symphonie: la scène du Théâtre des Champs-Elysées se transforme en un vaste espace de jeu où virevoltent farfadets, lutins et autres créatures espiègles. Dans un style volontairement grotesque (sans être caricatural pour autant), le basson solo donne, par exemple, l’image d’un être bringuebalant s’animant de manière soudaine suite au coup que lui aurait donné une baguette magique venue d’on ne sait où… Le contraste avec la mélancolie et la grandeur du dernier mouvement est d’autant plus grand. Bien que l’on puisse regretter que Kurt Masur cède à certains de ses penchants (direction à la pesanteur exagérée précédant un finale qui, sans que cela ne se justifie et bien qu’écrit Presto, s’accélère de façon outrancière), on ne peut qu’être admiratif à l’égard de la progression dramatique qu’il insuffle à l’orchestre.


Le public fait un triomphe aux musiciens et au chef qui appelle généreusement Simon Gaudenz à ses côtés au moment des saluts. Une fois n’est pas coutume, Kurt Masur et l’orchestre offrent un bis à des spectateurs d’ores et déjà conquis : la Valse tirée de la Sérénade pour cordes, composée huit ans plus tôt par le même Tchaïkovski. Masur et l’Orchestre national en donnent une interprétation ample toute empreinte de délicatesse, dans l’esprit des divertimenti du XVIIIe siècle, comme le souhaitait le compositeur.


Le site de Simon Gaudenz
Le site d’Amel Brahim-Djelloul



Sébastien Gauthier

 

 

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