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Ambitieux défi mahlérien pour l’ONDIF Paris Salle Pleyel 04/20/2008 - et 11 (Centre d’art et de culture de Meudon), 12 (Théâtre Jean Vilar de Suresnes), 13 (Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines), 15 (Théâtre Luxembourg de Meaux) avril 2008 Gustav Mahler : Kindertotenlieder – Symphonie n° 5
Ekaterina Semenchuk (mezzo-soprano)
Orchestre national d’Ile-de-France, Yoel Levi (direction)
L’ambition caractérise ce concert à l’intitulé pour le moins intimidant (« Des ténèbres à la lumière »), présentant deux des chefs d’œuvre les plus exigeants du début du XXe siècle et donné salle Pleyel, après quatre représentations en cinq jours dans diverses salles aux caractéristiques sonores nécessitant pour les musiciens une adaptation pas forcément simple à négocier. Concluant à Paris cette « tournée » francilienne, l’ambitieux défi du cheminement menant des ténèbres mahlériennes à la lumière du kaléidoscope symphonique n’est qu’à moitié relevé.
On ne s’attaque pas si facilement à ce sommet d’émotion que constitue le cycle des Kindertotelieder et la mezzo Ekaterina Semenchuk peine à mettre ses pas dans ceux des interprètes féminines ayant marqué ces pages de souffrance désolée et d’émotion pudique. Certes, on n’attend pas de cette jeune musicienne qu’elle s’égale si vite à Kathleen Ferrier, Marian Anderson, Christa Ludwig ou Janet Baker. Pour autant – et outre le fait qu’on peut juger problématique (... vieux débat mahlérien !) de confier à une mezzo des lieder écrits pour baryton et décrivant les souffrances d’un père –, on déplore une insuffisante appropriation du texte de la part d’une artiste talentueuse mais trop souvent contrainte de se replonger dans la partition déposée devant elle (notamment dans Oft denk’ ich, sie sind nur ausgegangen). La cantatrice biélorusse semble parfois vouloir compenser ce défaut par des attitudes « sur-expressives » sur scène et un excès de théâtralité. A la limite du mélodrame, l’interprétation d’Ekaterina Semenchuk – qui rejoindra le public, en seconde partie, pour suivre la fin du concert – doit à coup sûr être mûrie, alors que la voix, belle dans le medium mais trop légère dans le grave comme dans les aigus, souffre par moments d’un vibrato un peu envahissant (Nun seh’ ich wohl, warum so dunkle Flammen) et d’autres fois d’une diction trop hachée (Nun will die Sonn’ so hell aufgeh’n, Wenn dein Mütterlein). Pas franchement aidée par un orchestre routinier et pas toujours en place, on souhaite à cette artiste attachante et fraîche, formée à l’école du Mariinski, de s’épanouir dans un autre répertoire.
Après la Deuxième symphonie en 2004 (voir ici) et la Sixième symphonie en 2005 (voir ici), Yoel Levi (dirigeant de mémoire) et ses musiciens franciliens s’attaquent à la Cinquième du même Mahler avec un aplomb et un enthousiasme évidents, malheureusement ternis par une fatigue de plus en plus perceptible au fil du concert. Si l’interprétation du chef principal de l’ONDIF se révèle tout à fait honorable, on déplore souvent des chutes de tension dans la gestion des transitions et une curieuse conduite des tempos. Un interminable Adagietto versant dans le sentimentalisme apparaît ainsi difficile à comprendre, tant il contraste avec une vision globalement enlevée et tempétueuse de la partition. Les deux premiers mouvements, pour le coup véritablement mit größter Vehemenz, sont probablement les plus réussis, l’engagement général des musiciens franciliens ne manquant pas d’impressionner. On n’insistera pas outre mesure sur un corniste dépassé par les événements pour rendre plutôt hommage à l’homogénéité des violons de l’orchestre ainsi qu’à l’assurance désarmante d’un trompettiste de talent, qui scande avec brio les thèmes fiévreux et frénétiques de l’héroïsme mahlérien. Malgré l’inégale implication des différents pupitres et des entrées parfois hasardeuses, le défi méritait d’être lancé à une formation attachante, dont la cohérence, la rigueur et la concentration peuvent encore s’affirmer.
Le site de l’Orchestre national d’Ile-de-France
Gilles d’Heyres
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