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1881 : année de sécheresse ? Paris Salle Pleyel 04/19/2008 - Johannes Brahms : Concerto pour piano n° 2, opus 83
Anton Bruckner : Symphonie n° 6
Nicholas Angelich (piano)
Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR, Roger Norrington (direction)
L’association entre Roger Norrington et l’Orchestre de la Radio de Stuttgart fait l’objet d’une abondante production discographique qui, passé l’effet de surprise des premiers temps, suscite des appréciations contrastées. On ne reviendra pas sur les caractéristiques du « son de Stuttgart », qui tiennent tant aux choix interprétatifs de Norrington, chef principal de l’orchestre depuis dix ans, qu’à la disposition des musiciens sur scène comme à leur technique instrumentale (dont l’aspect le plus perceptible réside dans le rejet du vibrato). Ce concert – très applaudi par une salle Pleyel bien remplie, mettant en regard deux œuvres achevées en 1881 et généreusement complété par un bis concluant chaque partie – ayant été enregistré et filmé, il sera probablement loisible aux aficionados de Norrington de se forger une impression plus positive que celle que la présente critique leur laissera.
Amateurs d’un Brahms expressif et ample, passez votre chemin ! Malgré le remarquable travail de mise en place et l’indéniable professionnalisme des musiciens de Stuttgart, on avouera avoir cherché en vain la musicalité et la puissance de Brahms dans le Second concerto pour piano. Certes, la perception d’une œuvre aussi fréquentée se trouve forcément « renouvelée » par la manière dont Norrington l’approche ; mais la lassitude gagne vite. La sécheresse du son, le manque d’expressivité, la lourdeur des tempos (qui plombent notamment un deuxième mouvement pataud et inexpressif, bien que marqué… Allegro appassionato) ennuient davantage qu’ils ne donnent le sentiment de redécouvrir l’œuvre. Au travers d’un tissu orchestral décharné, la sonorité profonde du piano de Nicholas Angelich s’en trouve fort logiquement mise en valeur, dans la furia du premier mouvement comme dans l’enthousiasme primesautier de l’Allegretto grazioso conclusif. Après avoir récemment enregistré le Premier concerto avec Paavo Järvi et l’orchestre symphonique de la radio de Francfort, le pianiste américain poursuit ainsi son exploration de l’univers brahmsien, ce dont témoigne le magnifique Premier intermezzo de l’opus 117 qui conclut la première partie de ce concert déroutant.
L’approche de Norrington convainc davantage dans une Sixième symphonie de Bruckner d’où n’émerge aucune cathédrale sonore, mais qui intéresse par sa dynamique orchestrale et la légèreté des attaques. C’est un Bruckner non pas allégé mais décanté qui est donné à entendre, non pas écrasant mais percutant. Peu aidé par des cornistes au son parfois troué, le premier mouvement avance néanmoins au gré de métamorphoses symphoniques alternant trivialité et finesse dans les dialogues entre pupitres. Inégal car ponctué de chutes de tension, l’Adagio ne marque pas tant par le chant du hautbois (comme étouffé ou agonisant) que par le caractère très sombre de la marche funèbre qu’on aura rarement entendue aussi désespérée. Le Scherzo est peut-être le mouvement le plus convaincant, bien aidé par des cordes toujours très en place, alors que le finale, synthétisant les choix de Norrington, sait se faire tendu et épique pour culminer dans une apothéose sonore, pas métaphysique pour un sou, mais incisive et franchement réussie.
Le site de l’Orchestre radio-symphonique de Stuttgart
Gilles d’Heyres
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