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Le Barbier de Kaboul

Paris
Opéra Bastille
04/18/2008 -  et 20, 26, 30 avril, 2, 5, 7, 10, 13, 15, 19, 22, 26, 29 mai
Gioacchino Rossini : Le Barbier de Séville
Javier Camarena*/Colin Lee (le Comte Almaviva), John Del Carlo (Bartolo), Maria Bayo (Rosine), George Petean (Figaro), Samuel Ramey/Mikhaïl Petrenko* (Basilio), Igor Gnidii (Fiorillo), Jeannette Fischer (Berta), Guillaume Petitot-Bellavène (Un ufficiale)
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Marc Piollet (direction)
Coline Serreau (mise en scène)


Toujours aussi sagement et subtilement pétillante, la production de Coline Serreau, antithèse parfaite des Noces de Figaro de Christoph Marthaler. Dans une Séville musulmane, ou plutôt à Kaboul, à en croire le texte légèrement remanié, un tuteur barbu plus colérique que fanatique cloître Rosine derrière des moucharabiehs : la transposition fonctionne de nouveau parfaitement. Et l’on rêverait d’habiter la superbe demeure mauresque imaginée par Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine, de prendre la fraîcheur de son patio, de s’installer nonchalamment sur les coussins de son salon. Les décors, d’ailleurs, ont leur sens : le désert du début se transforme à la fin en une oasis, avec des palmiers sortant du sable, sorte de jardin d’Eden – ou de paradis d’Allah – où les jeunes héros goûteront librement aux délices de l’amour. La réalisatrice met de la finesse à l’intérieur du comique, alors qu’on aurait pu craindre qu’elle n’assène pesamment un message universaliste lorsqu’elle nous explique que l’histoire « se passe dans un monde où l’enfermement de la moitié de l’humanité est encore de règle ». Le comique n’est donc pas appuyé, même si la mise en scène ne se prive pas d’en exploiter des ingrédients éprouvés. Certaines idées font mouche, comme la tempête de la fin, où Rosine, qui se croit trahie, met à sac le salon de Bartolo. Bref, ce Barbier façon conte oriental où la princesse captive épouse son prince charmant a gardé sa fraîcheur un peu naïve, conte qu’on préférerait cependant – mais c’est le cas de tant d’opéras… – voir au Palais Garnier.


Musicalement, la réalisation s’avère plus inégale. Il faut d’abord dire la qualité de la direction de Marc Piollet, toute en finesse, fondée sur une lecture attentive de l’édition critique – y compris de récitatifs rarement entendus. Le jeune chef réussit en particulier très bien les finales, respectant scrupuleusement les indications de tempo et de dynamique, maîtrisant parfaitement la succession des différentes sections, alors que chez d’autres la machine rossinienne semble tourner à vide ; les crescendos sont ici de vrais crescendos et la tempête est dirigée avec un grand raffinement. Il faut hélas supporter le soprano vinaigré de Maria Bayo, qui n’a en rien la tessiture de Rosine, malgré les airs qu’elle cherche à se donner dans le médium et le grave – elle ne peut pas toujours choisir la version aiguë du rôle et doit bien assumer les récitatifs tels qu’ils sont écrits. La vocalisation a beau être sûre, il y a longtemps qu’on ne fait plus de Rosine une soubrette à peine audible au sein des ensembles et le « Contro un cor » est, pour les amateurs de chant rossinien, une véritable épreuve. On se console avec le Comte du ténor mexicain Javier Camarena, un peu timide dans son air d’entrée, mais dont la jolie voix un rien blanche de timbre prend ensuite de l’assurance ; lui témoigne, pour le coup, d’évidentes affinités avec le bel canto, la colorature, le passage des registres, le phrasé – renonçant néanmoins à « Cessa di più resistere » au second acte. En bonimenteur madré George Petean se garde de toute bouffonnerie, il reste stylé et n’oublie pas qu’il chante Rossini ; après avoir également montré quelque réserve dans son air d’entrée, il déploie une voix bien timbrée à défaut d’être puissante, aux aigus très sûrs. John Del Carlo, en revanche, s’il convainc d’abord par les récitatifs, s’effondre au moment de son air : la voix s’engorge, il ne chante pas toujours juste et ne peut venir à bout des syllabes en cascade du périlleux « Signorina, un’altra volta ». Quant à Samuel Ramey, il confond Basilio avec les grands monarques verdiens, en imposant encore par son métier et sa présence même s’il ne peut plus juguler un vibrato envahissant, surtout dans le grave, où l’on peine à distinguer les notes – l’aigu tient beaucoup mieux. On n’oubliera pas, pour finir, la pétulante Jeannette Fischer en Berta fofolle, dont l’air devient une danse un peu déjantée, à l’opposé des duègnes incarnées par des chanteuses sur le retour.



Didier van Moere

 

 

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