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Nelson Freire et Jiří Bělohlávek : un pianiste et un chef

Paris
Salle Pleyel
04/16/2008 -  
Antonin Dvořák : Le Pigeon des bois, op. 110
Serge Rachmaninov : Deuxième Concerto pour piano en ut mineur, op. 18
Leoš Janáček : Sinfonietta

Nelson Freire (piano)
Orchestre de Paris, Jiří Bělohlávek (direction)


Dirigeant pour la première fois l’Orchestre de Paris, Jiří Bělohlávek a brillamment réussi son examen de passage. Le Pigeon des bois, donné dans le cadre du cycle Dvořák proposé cette saison, ne convainc pourtant pas vraiment, moins à cause du chef qu’à cause d’un orchestre assez routinier, dont les cordes, en particulier, manquent de rondeur et ne semblent pas avoir travaillé leur sonorité. Les musiciens ne répondent pas totalement aux intentions de l’actuel directeur de l’Orchestre symphonique de la BBC, qui s’attache à trouver des couleurs, à créer des atmosphères, à la fois analytique et narratif, moins attentif au pittoresque qu’à la dimension dramatique de ce quatrième poème symphonique de Dvořák, sans parvenir pour autant à éviter un enchaînement laborieux des différentes sections.


Infiniment plus difficile à mettre en place, la Sinfonietta de Janáček a, en revanche, fait l’objet d’un travail en profondeur, laissant penser qu’on entend un autre orchestre. Tous les pupitres, il est vrai, semblent galvanisés par le chef, qui est ici de nouveau sur ses terres, témoignant d’une impressionnante maîtrise de la partition. Il impose aux musiciens la verdeur sans sécheresse de Janáček, conciliant tout au long de cette Sinfonietta la simplicité naïve de la veine populaire et la grandeur jubilatoire de l’hommage à la nation ressuscitée, avec des moments d’effusion lyrique comme à la fin du « Monastère de la reine ». De la « Fanfare » à « La Mairie », l’ensemble sonne surtout avec une parfaite clarté, mettant bien en valeur l’atypique modernité de Janáček, dans les rythmes et les couleurs. Le chef tchèque révèle aussi sa maîtrise de la gestion du temps musical, pierre d’achoppement de beaucoup d’interprétations qui ont tendance à confondre le discontinu et le décousu.


Ces deux œuvres tchèques ont sans doute constitué des découvertes pour une partie du public, venu avant tout écouter Nelson Freire interpréter le Deuxième Concerto de Rachmaninov. Il n’a pas déçu. Le pianiste brésilien joue le compositeur russe comme il doit l’être : avec éloquence et sobriété, dans l’esprit de Chopin, sans jamais dégouliner. Son jeu offre un superbe concentré de couleurs, avec des aigus superbement timbrés, grâce notamment à une infinie souplesse des poignets. La sonorité est généreuse, mais sans narcissisme ; elle reste lumineuse, avec une mise en valeur très polyphonique des voix, par exemple dans le mouvement lent, parfois joué comme du Bach. L’interprétation s’avère surtout fidèle à cette inspiration rhapsodique qui caractérise Rachmaninov, où il faut paraître inventer la musique en la jouant. Heureusement, Jiří Bělohlávek emprunte le même chemin, ne tirant jamais l’œuvre vers la grande forme brahmsienne, veillant lui aussi à éviter tout laisser-aller dans ces thèmes lyriques qui ont fait la popularité du compositeur. Du coup, le piano et l’orchestre entretiennent une relation tout à fait équilibrée, voire fusionnelle, ce qui n’est guère évident s’agissant des Concertos de Rachmaninov. Et l’orchestre, après un Dvořák trop moyen, montre, avant Janáček, ce dont il est capable.



Didier van Moere

 

 

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