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Le drame d’Ys

Liège
Opéra Royal de Wallonie
03/28/2008 -  et 30 mars*, 1er, 3, 5 avril 2008
Edouard Lalo : Le Roi d’Ys
Giuseppina Piunti (Margared), Guylaine Girard (Rozenn), Eric Martin-Bonnet (Le Roi d’Ys), Sébastien Guèze (Mylio), Werner van Mechelen (Karnac), Léonard Graus (Saint Corentin), Marc Tissons (Jahel)
Chœur et Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie, Edouard Rasquin (chef de chœur), Patrick Davin (direction)
Jean-Louis Pichon (mise en scène), Jean-Christophe Mast (assistant à la mise en scène), Alexandre Heyraud (décors), Frédéric Pineau (costumes), Michel Theuil (lumières)



Le véritable drame du Roi d’Ys (1876) se situe moins dans son propos, celui d’une vengeance sur fond de rivalité amoureuse conduisant à l’inondation criminelle de la cité d’Ys, que dans le sort qu’il subit depuis sa composition. Déçu de voir son premier opéra, Fiesque, refusé de partout – il ne sera créé qu’en 2006 au Festival de Montpellier –, Lalo dut patienter douze ans avant de voir finalement monté son second ouvrage lyrique, inspiré d’une vieille légende bretonne, à l’Opéra-Comique, non sans l’avoir révisé auparavant. L’œuvre fut accueillie avec succès dès sa création, et s’installa durablement à l’affiche à Paris sans toutefois percer en dehors de l’Hexagone. Mais Le Roi d’Ys se fait rare depuis quelques décennies, même en France, aussi ne faut-il pas rater l’aubaine que constitue ce spectacle de l’Opéra Royal de Wallonie qu’il coproduit avec l’Opéra Théâtre de Saint-Étienne.


A l’écriture moins wagnérienne que certains commentateurs le laissent croire, Le Roi d’Ys, pour inégal qu’il soit, surtout dans le très expédié dernier acte, mérite le plus vif intérêt, à commencer par l’Ouverture, seule page à avoir durablement subsisté. En symphoniste habile, Lalo décrit avec un certain sens du théâtre l’histoire de Margared, fille du Roi d’Ys : en rivalité avec sa sœur Rozenn pour le même homme, elle ouvre les écluses protectrices de la cité qui, sans l’expiation de la coupable, aurait été entièrement engloutie dans les flots. Il faut saluer la démarche de Jean-Louis Pichon, directeur de l’Opéra Théâtre de Saint-Étienne, qui privilégie une mise en scène dans laquelle tout se tient, certes convenue et prévisible mais bien loin de l’approche très aventureuse (et qui ne fit pas que des heureux) d’Anna Viebrock dans l’inexplicablement rare Ariane et Barbe-Bleue de Dukas donné à Bastille en ce début de saison. Les décors (Alexandre Heyraud) et les éclairages (Michel Theuil) recréent joliment l’atmosphère intemporelle de cette légende bretonne. La très attendue scène de l’inondation, qui recourt à la pluie sur scène et à des effets visuels du plus bel effet, impressionne et ce d’autant plus que le Chœur de l’Opéra Royal de Wallonie incarne avec talent les habitants paniqués de la cité.


Patrick Davin, directeur musical de la maison, investit le drame dans la fosse. Flux denses, phrases larges et animées, souffle, variété de l’expression, le chef français tire le maximum d’un orchestre qui, sans offrir un luxe de détails et de précision, se distingue très positivement. Côté vocal, l’auditeur ne sera pas déçu : la distribution, qui soigne la prononciation française (un luxe inappréciable dans ce répertoire), affiche une belle vitalité. Si l’excellent baryton-basse belge Werner van Mechelen (Karnac), qui vient de partager avec Dietrich Henschel le rôle-titre dans Wozzeck à la Monnaie, constitue un atout, le reste de la distribution mérite d’être applaudi, en particulier Giuseppina Piunti (Margared), à l’aise dans le registre requis par le rôle, Sébastien Guèze (Mylio), séduisant timbre de ténor, la soprano canadienne Guylaine Girard dans le rôle de Rozenn et Eric Martin-Bonnet qui compose un Roi d’Ys d’une belle prestance.


Le site de l’Opéra Royal de Wallonie





Sébastien Foucart

 

 

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