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Pelléas tourangeau Tours Grand théâtre 03/02/2008 - et 2*, 4 mars 2008 Claude Debussy : Pelléas et Mélisande
Karen Vourc’h (Mélisande), Jean-Sébastien Bou (Pelléas), Svetlana Lifar (Geneviève), François Harismendy (Golaud), Frédéric Bourreau (Arkel), Emmanuelle de Negri (Yniold), Vincent Deliau (Le médecin, Le berger)
Chœurs de l’Opéra de Tours, Emmanuel Trenque (chef de chœur), Orchestre symphonique Région Centre - Tours, Jean-Yves Ossonce (direction)
Gilles Bouillon (mise en scène), Nathalie Holt (décors), Marc Anselmi (costumes), Michel Theuil (lumières), Bernard Pico (dramaturgie)
Golaud, prostré sur le lit où Mélisande s’éteindra au dernier acte: l’image précéde la rencontre dans la forêt, faisant de ce Pelléas et Mélisande (1902) un long flash-back. Et c’est peut-être dans la mémoire du prince que les couleurs cultivent toutes les nuances et irisations du gris, tirant tantôt sur le bleu, le mauve ou le noir, tant pour les costumes de Marc Anselmi – seul Pelléas apporte une touche de clarté – que pour les décors de Nathalie Holt: grand panneaux latéraux, portiques coulissants, rideaux, le dispositif est simple – fidèle au symbolisme de Maeterlinck pour évoquer aussi bien le végétal (la forêt, les jardins) que le minéral (le château, la tour) ou l’élément liquide (la fontaine, la grotte, la mer) – mais efficace, autorisant de rapides changements entre les scènes.
Avec une grande subtilité, les lumières de Michel Theuil viennent éclairer cet univers souvent sombre, où les reflets et les ombres n’acquièrent que davantage de poids. Les personnages évoluent sur un plan légèrement incliné, comme étouffés par une perspective qui se rétrécit vers le fond du plateau. La mise en scène de Gilles Bouillon et la dramaturgie de Bernard Pico, familiers du Grand théâtre tourangeau, n’offrent guère plus de concessions au réalisme, avec une scénographie sobre, réduite au minimum que requiert le livret (trône, chaise, lit, prie-dieu, volée d’escalier, ...).
La reprise pour trois représentations de cette production de l’Opéra de Tours, créée voici huit ans, paraît donc bienvenue, au sein d’une saison principalement consacrée au grand répertoire (L’Elixir d’amour, La Flûte enchantée, Carmen), mais qui s’autorise également quelques incursions plus légères (Phi-Phi) ou originales (Le Pays de Ropartz). Jean-Yves Ossonce et l’Orchestre symphonique Région Centre - Tours ont accompli un indéniable travail dramatique, mais force est de constater que l’auditeur est non seulement privé des sortilèges de l’instrumentation debussyste mais aussi d’une exécution techniquement satisfaisante. Certes, une acoustique particulièrement sèche et un effectif réduit (vingt-quatre cordes), qui peine néanmoins à tenir dans la fosse – les harpes sont exilées dans une baignoire côté jardin, au-dessus des cors, à l’opposé des percussions, nichées sous l’autre baignoire, côté cour – ne facilitent pas la tâche des musiciens.
Au moins les chanteurs n’ont-ils pas besoin de forcer, le surtitrage se révélant d’ailleurs superflu, ce qui constitue un véritable bonheur dans un opéra où la diction est si capitale. Aucune faiblesse, de ce point de vue, dans la distribution, et les voix proprement dites suscitent à peine plus de réserves. Les rôles-titres forment un couple crédible par sa jeunesse: parfois encore un peu verte, la Mélisande de Karen Vourc’h ne trébuche jamais, pas plus que Jean-Sébastien Bou, plus enflammé qu’évanescent, s’accommodant de la tessiture si particulière de Pelléas. Malgré quelques notes peu assurées, notamment dans l’aigu, François Harismendy n’en demeure pas moins un Golaud convaincant, tour à tour brutal et pitoyable. Le timbre de Frédéric Bourreau gagnera sans nul doute en profondeur avec le temps, mais son Arkel clair et lyrique est déjà bien séduisant. Et avec Emmanuelle de Negri en Yniold, Svetlana Lifar en Geneviève ou même Vincent Deliau en médecin, on a scrupule à parler de «petits rôles».
La page du Grand théâtre sur le site de la ville de Tours
Simon Corley
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