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L’espoir d’une vie meilleure

Paris
Cité de la musique
03/01/2008 -  et 4 (Rouen), 25 (La Rochelle) mars 2008
Dimitri Chostakovitch : Dix Poèmes sur des textes de poètes révolutionnaires, opus 88
Alfred Schnittke : Trois Hymnes sacrés – Psaumes de repentance (extraits)

accentus, Laurence Equilbey (direction)


Autrefois, c’est avec force majuscules que l’on conquérait ses lettres de noblesse; aujourd’hui, il semble que le dernier cri, pour un éditeur de disques (æon, hänssler) ou une formation musicale (le jeune chœur de paris), consiste à faire régner le «tout minuscule». C’est donc accentus, et non le «Chœur de chambre Accentus» qui donnait, sous la direction de sa fondatrice Laurence Equilibey, le troisième concert du cycle «Utopies et réalité» que propose actuellement la Cité de la musique.


L’après-midi, un forum «Musique et communisme», avec la projection du film de Bruno Monsaingeon Notes interdites - scènes de la vie musicale en Russie soviétique, une table ronde puis les solistes de l’Ensemble intercontemporain, avait ouvert la voie à ce programme original, confrontant Rome et Moscou, tout en illustrant un siècle de bouleversements de l’histoire russe. Le titre de la première grande œuvre a cappella de Chostakovitch, les Dix Poèmes sur des textes de poèmes révolutionnaires (1951), n’est guère de nature à susciter l’enthousiasme, mais accentus parviendrait sans nul doute à remplir les salles quand bien même il se bornerait à chanter l’annuaire du téléphone.


En réalité, ce recueil, achevé entre la série des vingt-quatre Préludes et Fugues pour piano et la Dixième symphonie, s’il résulte, en ces dernières années de stalinisme, d’une commande officielle, mérite largement d’être découvert. Les textes disent tour à tour l’oppression, la souffrance, les luttes, la prison, l’insurrection, le deuil, l’espérance du grand soir et l’avenir radieux. Quelques années plus tard, probablement pour partie en raison des événements de Budapest, 1905 devait bien davantage inspirer Chostakovitch, dans sa Onzième symphonie, que 1917 dans sa Douzième, mais son choix parmi l’anthologie intitulée Poésie révolutionnaire des années 1870-1917 privilégiait déjà ceux qui évoquent la première révolution: au centre d’une gradation dramatique savamment agencée, que le surtitrage, à défaut des notes de programme, permet d’apprécier pleinement, «Le 9 Janvier» annonce d’ailleurs le deuxième mouvement de la Onzième symphonie, qui en reprendra les thèmes. D’une grande virtuosité, «Dans la rue» bénéficie également d’un traitement symphonique, mais le compositeur, loin du chœur final de la Troisième symphonie «Le Premier Mai», sec et péremptoire, s’inscrit ici pour l’essentiel dans la tradition chorale russe, à l’image de la nature hymnique de «Les dernières salves se sont tues», bissé en fin de concert.


Les trente-huit chanteurs en remontreraient en volume à des effectifs bien plus importants… et en cohésion à des effectifs bien moins nombreux, et même quand le propos devrait les inciter à sortir de leurs gonds, leur sonorité demeure merveilleusement policée. Une perfection vocale – tel ce superbe solo de ténor – que requièrent encore davantage les pages religieuses de Schnittke, musiques contemplatives et hors du temps dont on sait, depuis un premier album de transcriptions où certain Agnus Dei de Barber avait fait sensation, qu’elles conviennent idéalement à accentus. Aux Trois Hymnes sacrés (1983) succèdent six des douze Psaumes de repentance (1988): pour célébrer le millénaire de la Russie, les artistes ne sont plus contraints d’écrire des chants révolutionnaires et Schnittke peut donc dédier sa partition «aux mille ans de christianisme en Russie»...


Datant de la fin du XVIe siècle, ces psaumes broient du noir – déchéance du paradis, péché originel, peur de la mort – mais laissent aussi s’exprimer une acceptation qui trouve sa raison d’être dans l’espoir d’une autre vie, une foi à laquelle l’idéal communiste avait peu à envier et qui trouve son aboutissement dans la dernière pièce, sans paroles et bouche fermée, en un long accord parfait majeur. Adoptant un style volontiers archaïsant, Schnittke fait l’impasse sur la plupart des conquêtes de notre temps, mais cette économie de moyens, rehaussée par le soin qu’y apporte accentus, atteint une concentration et une densité auxquelles sa plume éclectique et prolifique n’a hélas pas toujours habitué l’auditeur.


Le site d’accentus



Simon Corley

 

 

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