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Une fantastique soirée Bruxelles Bozar, Salle Henry Le Bœuf 02/09/2008 - 7 février 2008 (Anvers) Hector Berlioz : La Mort de Cléopâtre – Symphonie fantastique, opus 14
Alfred Schnittke : Concerto pour hautbois, harpe et orchestre à cordes
Béatrice Uria-Monzon (mezzo), Luk Nielandt (hautbois), Letizia Belmondo (harpe)
Orchestre Symphonique de la Monnaie, Kazushi Ono (direction)
Après Giulio Cesare in Egitto de Haendel, représenté dans une scénographie des époux Herrmann du 20 janvier au 7 février derniers, la Monnaie propose de découvrir un tout autre visage de la reine d’Egypte, celui de la Mort de Cléopâtre (1829), scène lyrique pour mezzo-soprano et orchestre, que Berlioz écrivit en vue du Prix de Rome. Jugeant l’œuvre trop progressiste – elle l’est, dans un certain sens, en plus d’accuser un puissant romantisme –, le jury ne le lui octroya pas, mais le fit l’année suivante pour honorer sa plus traditionnelle cantate La Mort de Sardanapale, pour ténor, chœur d’hommes et orchestre.
Pour incarner Cléopâtre à l’agonie suite à la morsure empoisonnée du serpent, un atout de taille : la mezzo française Béatrice Uria-Monzon – qui, chose étonnante compte tenu de sa notoriété, fit à cette occasion ses débuts à la Monnaie – habite son personnage avec une réelle force de conviction. Cette spécialiste de Berlioz affronte ce rôle de composition avec une facilité apparente, sa voix, puissante et nuancée, étant respectée dans son intégrité par un Orchestre Symphonique de la Monnaie de haute tenue et, bien évidemment, chez lui dans ce type de pages dramatiques.
Aucun lien évident, à première vue, avec le rare Concerto pour hautbois, harpe et cordes (1971) de Schnittke, si ce n’est le caractère novateur de cette partition typique de la période expérimentale du compositeur durant laquelle il assimila les techniques sérielles et aléatoires. De la harpe et du hautbois, c’est ce dernier qui assume le rôle concertant le plus développé, celui-ci regorgeant d’innombrables effets sonores repoussant les limites de l’instrument – l’œuvre fut d’ailleurs écrite à l’intention de Heinz Holliger et de son épouse Ursula. La taille modeste de l’orchestre (une dizaine de cordes) permet d’apprécier le jeu sur les couleurs. Si cette musique quelque peu avant-gardiste ne fut sans doute pas du goût de tout le monde, elle permit de découvrir le talent de Letizia Belmondo et, surtout, du hautboïste Luk Nielandt, tous deux instrumentistes solo de la Monnaie.
Retour à Berlioz, avec la Symphonie fantastique (1830), défendue avec une épatante maestria par un orchestre des grands jours. Cette prestation spectaculaire et sans volonté d’en rajouter illustre le travail de Kazushi Ono, sur le départ pour l’Opéra National de Lyon, avec cette phalange capable d’offrir des moments hautement inspirés et pleins d’ivresse ainsi que des interventions individuelles soignées, sans compter les progressions dramatiques bien construites. A eux seuls, la Scène aux champs, rendue avec sensualité, et, surtout, le génial Songe d’une nuit de Sabbat illustrent le niveau d’excellence de cet orchestre polyvalent et, à l’occasion de cette soirée, particulièrement exalté.
Sébastien Foucart
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