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Le poète parle Strasbourg Palais de la Musique 12/07/2007 - et le 8 décembre Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie N° 31 K. 300a [297] «Parisienne»
Bela Bartok : Concerto pour piano et orchestre N° 3, sz. 119
Claude Debussy : Nocturnes
Leos Janacek : Sinfonietta
Radu Lupu (piano)
Chœur de l’Orchestre Philharmonique et Ensemble vocal du Conservatoire de Strasbourg, Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marc Albrecht (direction) Dans le cadre d’une saison d’abonnement où des solistes interchangeables se succèdent au gré des itinéraires aériens l’apparition Radu Lupu, insolite personnage d’anachorète barbu qui n’accorde pas même un regard à son instrument avant d’y poser les doigts, signale d’emblée qu’il risque de se passer beaucoup de choses extraordinaires au cours de la prochaine demi-heure. Et on ne restera pas sur sa faim. Le toucher n’est jamais clinquant, ménageant de puissantes gradations de dynamique tout en gardant continuellement la même beauté de son. Mais surtout l’interprète donne l’impression d’avoir dépassé toutes les contingences mécaniques du jeu pianistique depuis fort longtemps. Une liberté totale, qui l’autorise même à oublier son instrument, allant certes le chercher des doigts quand il en a besoin mais ne se laissant jamais monopoliser par lui. Lupu passe une grande partie de son temps à communiquer visuellement avec l’orchestre, dont une petite harmonie qui ne se fait pas prier pour transformer les parties les plus chambristes du 3e Concerto pour piano de Bartok en un véritable Quintette pour piano et vents. On peut même se poser des questions sur qui dirige réellement, Marc Albrecht paraissant plus d'une fois complètement marginalisé. Les trois mouvements de ce concerto crépusculaire, d’une modernité pudiquement assagie, passent comme un rêve, prolongé par un Intermezzo Op. 118 N°2 de Brahms non moins enchanteur, idéal compromis entre une simplicité apparente et un sens très sûr de l’effet.
Le reste du programme, particulièrement copieux, ne souffre pas trop d’une préparation forcément rapide, hormis l’indigeste Symphonie « Parisienne » donnée en ouverture de soirée, d’une lourdeur de scansion incompatible avec le minimum de charme que l’on attend d’une exécution mozartienne. Seul motif de satisfaction : que Marc Albrecht expérimente là une disposition inusitée à Strasbourg mais fréquente dans les phalanges internationales, avec violons I et II se faisant face de part et d’autre du podium. La sonorité du quatuor s’améliore, avec moins d’effets de masse et certainement une plus grande lisibilité.
Sabotée par un parterre de bronchitiques catarrheux en pleine action, l’exécution des Nocturnes de Debussy permet à Marc Albrecht d’imprimer quelques marques personnelles pertinentes dans l’exécution de pièces que l’orchestre connaît bien. En particulier les gradations sonores et la théâtralisation de Fêtes fonctionnent à bon régime. Seul inconfort, hors les bruits parasites émanant d’un auditoire distrait : l’insécurité relative du chant des Sirènes du Chœur de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, confrontées à des parties vocales qui sous leurs allures évasives sont probablement d’une difficulté redoutable pour un chœur d’amateurs, même de bon niveau.
Conclusion brillante avec la Sinfonietta de Janacek, dominée dans les mouvements extrêmes par une batterie de cuivres rutilants et même relativement sûrs d’intonation. L’œuvre tolère assez bien une lecture consolidée par fort peu de temps de répétitions, le professionnalisme de l’orchestre parvenant sans problème à sauver les meubles. Un bon programme de musiques de plein air, mais qui sans les moments intenses dispensés par un pianiste d’exception n’aurait été que plaisant.
Laurent Barthel
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