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Les tyrans n'ont pas de rides

New York
Metropolitan Opera
01/05/2008 -  and January 9, 12,*15, May 9, 13, 17
Giuseppe Verdi: Macbeth
Lado Ataneli (Macbeth), John Relyea (Banquo), Lady Macbeth (Cynthia Lawrence), Dimitri Pittas (Macduff), Ronald Naldi (Malcolm), Elizabeth Blancke-Briggs (camériste de Lady Macbeth), James Courtney (un docteur), Richard Hobson (un serviteur de Macbeth), Keith Miller (un sicaire), Joseph Turi (un héraut), Raymond Renault (Duncan), Adam Hauser Pinero (Fléance), David Crawford, Ashley Emerson, Ann-Carolyn Bird (trois apparitions).
Chœurs et orchestre du Metropolitan Opera, James Levine (direction).
Mark Thompson (décors et costumes), Jean Kalman (lumières), Sue Lefton (chorégraphie), Adrian Noble (mise en scène).




On reprochait fort injustement à Verdi de mal connaître Shakespeare. Pourtant, l’illustre dramaturge lui a inspiré plusieurs chefs d’œuvres. Avec Macbeth, la tâche n’est pas aisée. La géniale pièce de Shakespeare est très longue - bien que sans longueurs - et les besoins de la concision musicale obligèrent le compositeur à réduire de moitié la durée de la pièce sans attenter à sa profondeur métaphysique. Le résultat est impressionnant d’efficacité dramatique autant que musicale. Comme dans le Roméo et Juliette de Gounod, tout ce qui n’est pas directement centré sur les deux protagonistes principaux est écarté. Truculence, grivoiserie, comique, et même poésie sont absents de l’opéra. Verdi s’en tient à l’« essentiel » : le sanglant récit de l’usurpation d’un trône organisé par une femme ambitieuse, et la dégradation des personnalités qui en découle. Récit où se mêle le fantastique et qui se termine par la défaite des forces du mal.


Autant la mise en scène proposée à San Francisco en Novembre dernier était un bric-à-brac sans intérêt, autant cette nouvelle production du Met signée Adrian Noble, un vétéran de la Royal Shakespeare Company, est intelligente. L’action, transposée dans une Europe contemporaine s’inscrit dans une logique de guerre civile – ce qu’est véritablement cette page de l’histoire de l’Ecosse – où s’affrontent commandos, mercenaires, soldats vêtus de vestes de cuir noir, armés de fusils mitrailleurs et bardés de munitions. Seul témoin du onzième siècle, la couronne fleurdelisée des souverains écossais. Cette mise en scène résout avec beaucoup d’inspiration les difficultés inhérentes à la dimension fantastique de l’œuvre : hallucinations de Macbeth, caractérisation des sorcières, apparitions… Avec une succession d’images fortes, Noble nous rappelle que la folie sanguinaire au service de l’ambition politique n’a pas d’age, que l’ « histoire bégaie » et que les tyrans n’ont pas de rides. Tant mieux si cette mise en scène a dérangé une partie du public new-yorkais.


La distribution relève un défi musical énorme avec satisfaction. Le Macbeth de Lado Ataneli est très intériorisé et la dégradation de son personnage rendue avec talent. La voix manque parfois un peu de la noirceur qui sied au rôle mais la ligne mélodique est solide, le phrasé élégant. Ataneli rend fière justice au recitativo cantando, ajoutant dans son duo de l’acte 1 avec Lady Macbeth quelques sonorités étranges et voilées de fort bon aloi.
Dans cette salle où se sont succédées de très grandes Lady Macbeth (Rysanek, Bumbry, Arroyo, Verrett, entre autres) c’est la soprano Cynthia Lawrence qui remplace Andrea Gruber, initialement prévue. Lawrence s’efforce de réunir les caractéristiques de ce rôle surdimensionné : tessiture étendue et ornementée qui obligent une Lady Macbeth idéale à posséder des qualités de tragédienne tout en rendant justice aux exigences du bel canto. Comme beaucoup de sopranos dans ce rôle, Lawrence est plus dramatique que coloratura. Son Brindisi de l’acte 2 manque d’agilité dans les fioritures et l’on attend encore le contre ré pianissimo marqué un fil di voce sur la partition qui conclut la scène du somnambulisme. Cela dit, dans les passages dramatiques, l’Américaine est remarquable et fait (presque) oublier ces quelques réserves. Son Vieni, t’affretta de l’acte 1 est impétueux à souhait et Lawrence tient compte de la coda reprenant la cabalette avec un grand courage (ce qui, soit dit en passant, n’est pas souvent le cas de nos jours). Même férocité, même violence dans La luce langue au deuxième acte où Lawrence parvient avec bonheur a donner à sa voix le timbre creux et voilé qui convient.
C’est le Canadien John Relyea qui interprète le rôle de Banquo. La voix est sombre, puissante et son Come dal ciel precipita ne manque ni de style ni de bravoure. Le ténor Dimitri Pittas est un Macduff de choix. Un peu tendu dans les premières mesures de sa seule aria Ah la paterna mano, le new-yorkais montre vite sa capacité à chanter dans le style cantabile avec une voix bien projetée. Le ton est sincère et l’ensemble d’excellente facture.
Les chœurs, magnifiques, l’orchestre, somptueux, sont placés sous la solide baguette de James Levine, directeur artistique du Met depuis trente-cinq ans. Le Maestro, comme il en a l’habitude, est soucieux de ne rien laisser au hasard. La moindre phrase du moindre pupitre fait l’objet d’une attention rigoureuse et impartiale. Sa lecture de la partition est d’une clarté absolue.






Christian Dalzon

 

 

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