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Merci Shicoff! Zurich Opéra 12/22/2007 - et les 26, 30 décembre 2007, 4, 8*, 12, 16 et 20 janvier 2008
Jacques Fromental Halévy: La Juive
Malin Hartelius (La princesse Eudoxie), Angeles Blancas (Rachel), Neil Shicoff (Eléazar), Alfred Muff (le cardinal de Brogni), Celso Albelo (Léopold), Massimo Cavalletti (Ruggiero), Kresimir Strazanac (Albert)
Chœur de l’Opernhaus de Zurich (préparation: Ernst Raffelsberger), Orchestre de l’Opernhaus, direction musicale: Carlo Rizzi. Mise en scène: David Pountney, décors: Robert Israel, costumes: Marie-Jeanne Lecca, lumières: Jürgen Hoffmann, chorégraphie: Renato Zanella
Après Vienne et Paris, c’est au tour de Zurich d’exhumer La Juive. Habitué de l’Opernhaus, Neil Shicoff est, une nouvelle fois, à l’origine de la résurrection de l’œuvre, le chanteur ayant voulu interpréter Eléazar, le rôle de sa vie, devant un public de fidèles admirateurs, qui a longuement ovationné son Rachel, quand du Seigneur. Le ténor américain force à nouveau l’admiration par son engagement scénique et la force de son incarnation. Il ne campe pas son personnage, il est habité par lui, il EST Eléazar, tout simplement. Force est également de constater que son français est bien meilleur qu’à la Bastille il y a une année. Si, bien évidemment, les amateurs d’opéra sont conscients de tout ce qu’ils doivent à Neil Shicoff, qui a tant contribué à la réhabilitation de l’ouvrage, on ne peut passer sous silence le fait que sa voix est désormais en triste état, qui plus est affligée d’un vibrato gênant. Le chanteur ne sait plus qu’hurler et on se prend à rêver qu’un certain ténor, idéal dans le répertoire français, veuille bien un jour reprendre le flambeau.
Contrairement à Pierre Audi à Paris, qui avait opté pour l’abstraction, se focalisant sur le destin des personnages, David Pountney à Zurich transpose l’action dans un contexte historique précis - la France de l’affaire Dreyfus - et souligne à l’excès le fort courant antisémite de l’époque, mettant les spectateurs mal à l’aise avec des scènes d’une rare violence. Le tableau final est terriblement poignant: Eléazar est contraint de regarder, impuissant, sa fille se faire couper les cheveux, avant que les deux condamnés ne soient finalement conduits dans ce qui apparaît comme des chambres à gaz. Quoi qu’il en soit, cette production est le premier succès incontesté de la saison zurichoise.
A l’exception de Neil Shicoff, tous les solistes faisaient leurs débuts dans leur rôle respectif. La révélation du spectacle aura été, incontestablement, Angeles Blancas, une jeune Espagnole dotée d’une très belle voix de soprano dramatique, qui parvient à donner une épaisseur intense au personnage de Rachel. Malin Hartelius en princesse Eudoxie possède dans la voix toutes les notes du rôle, mais son chant a peu d’éclat. Alfred Muff confère dignité et prestance au cardinal Brogni, même si les notes les plus graves lui posent problème. On ne s’étendra pas sur Celso Albelo, dont la diction française frise le ridicule et dont le timbre accuse d’évidents problèmes d’intonation. Dans la fosse, Carlo Rizzi cisèle la partition en orfèvre, en en faisant ressortir chaque détail, et pourtant on aurait souhaité davantage d’engagement et de passion de sa part. Malgré ses faiblesses, le spectacle restera néanmoins dans les annales et marquera peut-être le retour définitif de La Juive au répertoire des théâtres lyriques.
Claudio Poloni
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