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Paroles et musique

Paris
Salle Gaveau
12/07/2007 -  
Paroles et musiques

François-René Duchâble (piano), Alain Carré (comédien)


Et comment va François-René Duchâble? Bien, et même très bien: à cinquante-cinq ans, après la spectaculaire et médiatique interruption de sa carrière, avec immolation de frac et lâcher de (carcasse de) piano dans le lac du Mercantour, le «pianiste vicinal» présente avec le comédien Alain Carré, complice de longue date, un succulent spectacle autour de Paroles de Jacques Prévert.


Diverses musiques – «de Bach à Gershwin», selon l’annonce qui en était faite (en réalité de Daquin à Kosma) – viennent ainsi commenter ou accompagner les plus fameuses poésies du recueil. Sur le papier, ce n’était pas évident, compte tenu de l’écart chronologique et stylistique entre certains de ces compositeurs et le propos de Prévert. Mais, plus d’une heure durant, les associations se révèlent pertinentes, car au-delà du simple premier degré – Les Oisillons de Grieg avec «Pour faire le portrait d’un oiseau», un extrait des Tableaux d’une exposition de Moussorgski avec «La Promenade de Picasso», Rêve d’amour de Liszt avec «Dans ma maison» – et des allusions à la musique que suggèrent les textes eux-mêmes («L’Orgue de Barbarie», «Le concert n’a pas été réussi»), d’autres choix se révèlent particulièrement subtils: le Premier prélude du Premier livre du Clavier bien tempéré de Bach, «Dieu le père» de la musique, introduit «Pater Noster»; une Sonate en ut (K. 132) de Scarlatti, musicien à la cour d’Espagne, succède aux «Belles familles» royales; le Deuxième des trois Préludes de Gershwin, la «musique nègre» de l’époque, sert d’arrière-plan à «Pour toi mon amour» et son «marché aux esclaves».


Même Beethoven (Rondo final de la Huitième sonate «Pathétique»), Chopin (Quatrième et Dix-huitième des vingt-quatre Préludes de l’opus 28) ou Brahms (premier Intermezzo des quatre Klavierstücke de l’opus 119) trouvent leur place dans cet univers, mettant en valeur des climats sombres et tragiques, comme ceux de «Déjeuner du matin» ou de «Cet amour». Peut-être moins inattendue, l’affinité avec Satie, dans «Barbara», pourtant immortalisée par Kosma et Montand, n’en est pas moins saisissante. Bon nombre de ces morceaux rappelleront d’ailleurs des souvenirs aux apprentis pianistes, mais rien de plus judicieux dans ce monde qui évoque si souvent – avec une fausse simplicité et une distance nostalgique – celui de l’enfance.


La scénographie est on ne peut plus simple: un Pleyel et une chaise pliante dans une pénombre parfois réveillée par quelques lumières colorées. Se tournant de temps à autre vers son partenaire comme pour le prendre à témoin, Alain Carré – par cœur – trouve toujours le ton juste, du nonsense à la virulence sociale. François-René Duchâble, quant à lui, montre qu’il n’a rien perdu de ses qualités: une netteté de trait, une précision et une technique qui ne font qu’attiser – ne lui en déplaise – les regrets suscités par son retrait des «circuits internationaux» depuis juillet 2003. Mais force est d’admettre qu’il s’amuse, petite loupiote sur le front braquée sur le clavier ou sur le public lorsqu’il interprète un phénoménal Ballet des poussins dans leurs coques (extrait des Tableaux d’une exposition), ou clope au bec, comme Prévert sur tous ses portraits, lorsqu’il conclut sur Les Feuilles mortes.



Simon Corley

 

 

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