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Succès et scandales

Paris
Opéra Bastille
11/25/2007 -  
Edgard Varèse : Déserts
Jörg Widmann : Echo-Fragmente – Armonica (créations françaises)
Igor Stravinski : Le Sacre du printemps

Jörg Widmann (clarinette), Teodoro Anzellotti (accordéon), Christa Schoenfeldinger (harmonica de verre)
SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg, Sylvain Cambreling (direction)


Fidèle à son histoire et à la mission qu’il s’est assigné, le Festival d’automne s’attache à nouveau cette année à faire découvrir au public parisien les créateurs d’aujourd’hui et de demain: après qu’octobre a mis en vedette les musiciens du Moyen-Orient, novembre s’intéresse au compositeur et clarinettiste Jörg Widmann. Bien que cet élève de Henze, Goebbels et Rihm ait été programmé lors de l’édition 2004, sa notoriété demeure encore limitée de ce côté-ci du Rhin. Pourtant, à trente-quatre ans, il a déjà accompli une résidence au Festival de Salzbourg et sa musique est au répertoire d’artistes aussi renommés que Chailly, Nagano, Thielemann ainsi que les quatuors Arditti, Hagen et Keller. Comme les deux soirées de musique de chambre proposées les 16 et 23 novembre à l’Auditorium du Louvre, le concert de l’Orchestre symphonique de la Radio de Baden-Baden et Fribourg, sous la direction de son «chef principal», Sylvain Cambreling, mettait en valeur aussi bien l’auteur que le virtuose.


Destinés à la formation badoise et à l’Orchestre baroque de Fribourg, Echo-Fragmente (2006) associe, dans une démarche assez inhabituelle, instruments modernes et anciens: côté jardin, cordes, quatre clarinettes et percussion; côté cour, cordes, quatre cors naturels et, à l’arrière, hautbois baroque. Chacun conservant son propre diapason, les deux ensembles sont séparés d’un quart de ton, mais une clarinette solo, complétée par une sorte de concertino (accordéon, célesta, harpe et guitare) placé à ses côtés, assume notamment un rôle d’intermédiaire, grâce à sa faculté de produire des micro-intervalles. Séduisante sur le papier, l’idée aurait toutefois pu se révéler problématique, mais l’écart de diapason est géré avec finesse, de telle sorte que le titre tient ses promesses: de beaux effets d’écho entre les deux groupes, mais qui trouvent peut-être leur limite dans l’aspect fragmenté du discours. A la tendance postwebernienne d’un Pintscher, d’une économie de moyens qui se refuse généralement à dépasser le mezzo forte pour aller parfois jusqu’aux confins du silence, Widmann ajoute une séduction sonore plus évidente, qui ne provient pas seulement du caractère ouvertement brillant de la partie soliste, mais d’une inventivité sonore dont les effets évoquent l’imagination d’un Lachenmann – par exemple les cordes de la mandoline frappées avec une baguette.


Armonica (2007) a été créé par Pierre Boulez et l’Orchestre philharmonique de Vienne voici près de dix mois, le jour anniversaire de la naissance de Mozart, invoqué en raison de son attirance (tardive) pour l’harmonica de verre. Placé au premier plan (et amplifié), l’instrument trouve son relais dans l’accordéon, sur sa gauche, et au-delà, dans tout l’orchestre. Ainsi que l’indique en effet Widmann, «mon désir était de composer une œuvre symphonique dans laquelle l’orchestre tout entier sonne comme un harmonica de verre». Un peu plus brève (quinze minutes) qu’Echo-Fragmente, la partition déploie des séductions encore plus redoutables, succession de fondus-enchaînés volontiers hédonistes, culminant sur deux puissants accords qui laissent brièvement la place à des événements plus heurtés et disparates avant l’apaisement conclusif.


Widmann obtient un franc succès, pas même un succès de scandale. Car ces deux premières françaises étaient entourées des deux scandales qui ont le plus marqué l’histoire du Théâtre des Champs-Elysées: Déserts (1954) et Le Sacre du printemps (1913). Varèse suscite quelques gloussements et rires: les trois «interpolations» interpellent encore – une modernité qui continue de déranger, c’est bon signe. Plus webernien et debussyste que varésien, Cambreling a le geste méticuleux et façonne une matière subtile, mais loin de l’incandescence du matériau brut, cette approche dénote au regard des sons électroniques. En outre, l’Opéra Bastille n’offre décidément pas une acoustique très satisfaisante, même le ballet de Stravinski semblant se perdre dans ces immenses volumes et souffrant de tutti confus et amortis: rien à voir avec l’impact qu’il peut produire dans la salle de l’avenue Montaigne, d’autant qu’il se meut ici avec une lenteur, privé de tension et desservi par un orchestre dans une très surprenante méforme – depuis un basson bien malheureux, contraint de s’y reprendre à deux fois pour lancer son solo introductif jusqu’à des difficultés de mise en place trahissant fatigue ou manque de préparation.


Le site de Jörg Widmann
Le site du SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg
Le site de Sylvain Cambreling



Simon Corley

 

 

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