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Siegfried en noir et blanc

Lyon
Opéra
10/17/2007 -  Et les 21, 24 & 27* octobre, les 7, 10 & 13 novembre.
Richard Wagner : Siegfried
Stig Andersen (Siegfried), Robert Künzli (Mime), Matthew Best (le Voyageur), Pavlo Hunka (Alberich), Kurt Gysen (Fafner), Mette Ejsing (Erda), Susan Bullock (Brünnhilde), Louise Fribo (l’Oiseau de la forêt), Georges Molnar (l’Ours)
Orchestre de l’Opéra de Lyon, Gerard Korsten (direction)
François Girard (mise en scène)

Ce Siegfried, déjà présenté à Toronto en 2005, n’est pas programmé dans le cadre d’une Tétralogie lyonnaise, mais pour illustrer le thème de la nuit choisi par Serge Dorny pour sa saison 2008-2009, le troisième opéra du Ring étant le seul à faire jaillir de la clarté des ténèbres, avec sa fin solaire, illuminée par l’éblouissement de l’amour. Les ténèbres, pourtant, sont bien là : tout est en noir et blanc, dans des éclairages très réussis de David Finn. Ténèbres des événements dont la succession s’incarne dans un arbre gigantesque où sont suspendus les cadavres des héros broyés par la malédiction, les ruines des monuments voulus par la folie des dieux. L’histoire de l’anneau n’est qu’un effondrement. Il faut attendre le troisième acte pour que la scène soit nue, comme est nu le désir du couple nouveau, libéré un moment du poids du passé. Le cercle de feu est figuré par des corps habillés de blanc – tout le monde, cela dit, a l’air d’être en pyjama – dont les bras s’agitent comme des flammes. On se croirait dans une chorégraphie de show télévisé, mais l’idée est intéressante de ce cercle magique, où s’achève l’initiation de Siegfried. Car l’initiation est au centre de la lecture de François Girard, avec ce Siegfried sortant de l’enfance pour entrer dans l’âge adulte, évoluant dans un univers où le cinéaste se semble se souvenir à la fois de La Planète des Singes – surtout pour Alberich et Wotan, les deux coupables, qu’il a raison de faire presque jumeaux – d’Angels in America – notamment pour l’Oiseau – et d’Excalibur – quand Siegfried brandit son épée au milieu du cercle magique. La production fait donc un peu fourre-tout, mais la cohérence s’en révèle progressivement. Le premier acte ennuie, comme s’il ne s’y passait rien, et la forge figurée – déjà – par des mouvements de bras dans une lumière rougeoyante fait plutôt sourire. Le deuxième paraît moins statique, même s’il ne colle pas au rythme de la narration : il devient alors évident que le metteur en scène privilégie le symbolique par rapport au narratif. Le troisième, du coup, finit par convaincre, surtout le monologue de Siegfried et le duo final, où les deux chanteurs sont très subtilement dirigés.


La narration n’est pas davantage du côté de la fosse : Gerard Korsten dirige trop placidement, trop lentement même, quasi inerte dans la scène de la forge, rien moins que « lebhaft, doch gewichtig » au début du troisième acte. Mais il obtient des musiciens lyonnais un travail remarquable, avec des cordes onctueuses dans les Murmures de la forêt, des vents impeccables – bravo au cor solo dans les mêmes Murmures. Il ne cherche pas non plus à donner l’illusion d’un orchestre gigantesque que la fosse ne pourrait accueillir, privilégiant une lecture plutôt intimiste, voire chambriste, où le souci de lisibilité fait oublier la sécheresse de la baguette. On ne fera pas de Stig Andersen un Heldentenor ; il commence d’ailleurs très mal, escamotant beaucoup ; ensuite, à partir de la forge, la voix trouve son assise, s’éclaircit, s’ouvre, et il tient jusqu’à la fin, n’épuisant pas trop ses réserves, ce qui est plus que louable dans un rôle aussi lourd, sans jamais négliger le phrasé, notamment dans le grand monologue du troisième acte, où beaucoup, à bout, ne peuvent plus lier leurs notes. On aurait aimé une Brünnhilde plus digne de lui : métallique et instable, Susan Bullock s’avère incapable d’attaquer le moindre aigu avec justesse, ne se signalant guère que par la qualité de son articulation. Le Mime de Robert Künzli, en revanche, s’impose par son refus de l’histrionisme et son souci de chanter le rôle, sans l’escamoter dans un Sprechgesang malvenu. Des deux barytons, c’est l’Alberich de Pavlo Hunka qui l’emporte, pour les mêmes raisons que son frère, Matthew Best noyant ses notes dans un timbre charbonneux et une émission engorgée. Si l’Oiseau est charmant, Erda manque d’homogénéité et la voix de Fafner bouge beaucoup.


La production a donc ses défauts, mais elle n’est pas sans qualités. Loin de là.



Didier van Moere

 

 

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