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Vous avez dit Tosca ?

Paris
Opéra Bastille
10/24/2007 -  Et les 25*, 27 & 30 octobre, 2, 5, 11, 13 & 16 novembre (distribution A), 26, 29 & 31 octobre, 3, 8, 17 & 20 novembre (distribution B).
Giacomo Puccini : Tosca
Catherine Naglestad, Sylvie Valayre* (Tosca), Vladimir Galouzine, Marcus Haddock* (Mario), Franck Ferrari, Samuel Ramey* (Scarpia), Wojtek Smilek (Angelotti), Christian Jean (Spoletta), Jean-Philippe Marlière (le Sacristain), Yuri Kissin (Sciarrone), Christian Tréguier (Un geôlier)
Orchestre et Chœurs et Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine, Nicola Luisotti (direction)
Werner Schroeter (mise en scène)

Gérard Mortier a finalement consenti à programmer Puccini à l’Opéra, ce que ses détracteurs ne manquent pas de saluer comme une reculade, étant donné le peu d’inclination qu’il éprouve pour le compositeur italien – ses raisons peuvent d’ailleurs se discuter. Cela dit, le choix de la vieille production de Werner Schroeter n’est-il pas une sorte de pied de nez à leur endroit, une réponse du berger à la bergère ? Comment le bouillant directeur de l’Opéra de Paris a-t-il pu sortir des cartons une vieillerie aussi plate ? Les décors, très passe-partout, oscillent entre l’abstraction géométrique et le réalisme provincial, ce qui ne va pas toujours très bien ensemble : la cérémonie du Te deum, avec ces enfants de chœur, ces soldats cuirassés et casqués, cet évêque arrivant sous un dais au milieu des vapeurs d’encens, iraient peut-être mieux, finalement, dans une scénographie à la Zeffirelli. Mais c’est surtout la direction d’acteur qui pèche : les chanteurs semblent livrés à eux-mêmes dans une lecture au premier degré, n’échappant pas toujours au ridicule – on se demande également à quoi sert, au troisième acte, la pantomime des soldats, a fortiori leurs attouchements langoureux. En un mot, Werner Schroeter n’a aucune idée à nous proposer, ce qui, s’agissant d’une œuvre aussi forte que Tosca, est un comble.


Sylvie Valayre, par exemple, aurait pourtant grand besoin d’être guidée : elle minaude au premier acte, s’agite beaucoup trop au deuxième, perpétuellement gênée par sa traîne qui l’entrave. A moins que le metteur en scène l’ait voulue ainsi… Mais c’est surtout qu’elle n’est pas Tosca : la diva a chez elle un côté petit-bourgeois qui ravale le personnage au rang d’une femme ordinaire, dont le « E avanti a lui tremava tutta Roma », devant le cadavre de Scarpia, tombe à plat. La voix accuse aussi des signes d’usure prématurée : la stabilité laisse à désirer, le soutien manque, le médium sonne souvent creux. La légèreté du duo du premier acte en pâtit beaucoup, tout autant que les éclats du deuxième. Dommage : la chanteuse est sincère et investie, avec une belle prière et un troisième acte beaucoup plus convaincant. Avouons que Samuel Ramey, toujours plus chanteur qu’interprète, n’est pas davantage Scarpia, dont il n’a ni la noirceur diabolique ni la libido ravageuse, pas assez bestial, trop maître de lui. L’affrontement du deuxième acte, avec eux, perd de sa force. Mais, à l’inverse de sa partenaire, la basse américaine a de la technique et du style : la voix a beau être grise et bouger un peu, elle tient bon, du grave à l’aigu ; elle tient même trop, comme si le chanteur avait peur de s’abandonner aux pulsions du baron. Le plus en situation reste finalement Marcus Haddock, d’abord trop central dans un « Recondita armonia » un peu contraint, mais dont la voix s’éclaircit et s’ouvre ensuite, en particulier dans l’aigu ; très à l’aise dans le défi de « Vittoria, vittoria », il phrase avec subtilité « E lucevan stelle », sans sanglot inutile, avec des nuances qu’on néglige trop souvent. Autre satisfaction : la direction de Nicola Luisotti, qui prendra ses fonctions de directeur musical de l’opéra de San Francisco à partir de 2009. Avec lui, le drame est au moins dans la fosse, porté par une direction à la fois fiévreuse et claire, lyrique mais jamais dégoulinante, attentive aux couleurs de l’orchestre de Puccini, mettant bien en valeur cette modernité qu’appréciait Schoenberg.


On avait prévu de revenir le lendemain, pour comparer les deux distributions : la représentation du 26 octobre a été annulée pour cause de grève. La réforme des régimes spéciaux de retraite a, ce soir-là, sauvé la vie des trois protagonistes. Sans commentaire.



Didier van Moere

 

 

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