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Ozawa enflamme le National

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/05/2007 -  
Maurice Ravel : Pavane pour une infante défunte
Henri Dutilleux : Mystère de l’instant
Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14

Orchestre National de France, Seiji Ozawa (direction)

Ravel, Dutilleux, Berlioz : Seiji Ozawa, pour son retour à la tête du National, a choisi un programme à la Charles Munch, qui l’avait repéré lorsqu’il gagna le concours de Besançon en 1959 et le fit travailler à Tanglewood. Il est vrai que le chef japonais, à l’instar de son mentor, a toujours ardemment défendu la musique française, de Berlioz à Messiaen et à Dutilleux, dont il vient de créer, au Japon, la dernière œuvre, Le Temps l’Horloge, avec Renée Fleming.


On sent justement, à l’écoute de la Pavane pour une infante défunte de Ravel, des couleurs bien françaises, comme si l’orchestre retrouvait une certaine identité. Il suffit aussi de ces quelques minutes pour prendre la mesure du travail accompli par Seiji Ozawa, avec lequel l’orchestre travaille si volontiers depuis des décennies : l’interprétation est aussi raffinée que précise, le moindre détail prend un sens, les pupitres s’équilibrant dans une parfaite homogénéité. Mais ce n’est là qu’un hors-d’œuvre : on attend Mystère de l’instant, commandé à Henri Dutilleux par Paul Sacher. L’œuvre a-t-elle jamais connu plus belle lecture ? Les cordes du National ont rarement sonné avec cette rondeur, ces nuances, cette intensité aussi – mais n’oublions ni le cymbalum ni la percussion. La partition devient une étude de sonorités et de rythmes, dont le chef japonais, dès les premières mesures, souligne la modernité – cette modernité que certains hésitent à reconnaître chez Dutilleux. Succession d’instants, comme nous le dit le texte du programme, mais qui s’enchaînent remarquablement, dans une seule coulée, grâce une direction à la fois très pensée et très souple, à l’image de la gestique d’Ozawa, lutin et pantin, totalement porté, habité par ce qu’il dirige. La salle a alors le sentiment de renouer avec les grandes heures du National, réservant au compositeur, au chef et à l’orchestre un triomphe justifié.


La Symphonie fantastique est une démonstration de virtuosité orchestrale. Non pas qu’Ozawa vise à l’effet, mais parce qu’il veut montrer comment la musique est faite, comment elle est écrite, la virtuosité n’étant qu’un moyen d’en révéler la quintessence. On entend tout, la direction dégageant toujours, au plus fort de la masse sonore, les lignes et les timbres, évitant une verticalité excessive, faisant de Berlioz un des héritiers de Beethoven. Tout reste tenu d’une main de fer : le chef, là encore, ne laisse rien échapper, très rigoureux – mais jamais rigide – lorsqu’il donne les attaques. Dans « Rêveries – Passions » la fièvre n’est pas l’agitation, dans la « Marche au supplice » ou le « Songe d’une nuit de sabbat », la puissance n’est pas le tintamarre. L’éventail des nuances, surtout, est tel qu’il doit être, témoignant de la subtilité de l’écriture berliozienne : un pianissimo n’est pas un piano, un forte n’est pas un fortissimo. L’orchestre, pourtant, n’est pas bridé : dans « Un bal »il s’abandonne à la giration de la valse, dans la « Scène aux champs » il respire avec la nature.


On sort fasciné, grisé par tant de perfection. Reste à savoir si l’on sort ému, bouleversé. Beaucoup moins parfaits, un Munch, un Bernstein, nous bouleversaient. Ozawa nous éblouit.



Didier van Moere

 

 

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