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Le sacre de Boulez

Paris
Salle Pleyel
09/30/2007 -  
Mark Andre : … auf… II (création)
Edgard Varèse : Amériques
Enno Poppe : Obst (création française)
Matthias Pintscher : towards Osiris (création française)
Pierre Boulez : Notations I-IV, VII

Ensemble Modern Orchestra, Pierre Boulez (direction)

Donné dans le cadre du Festival d’automne, ce concert est un peu un prélude au cycle de quatre concerts consacrés à Pierre Boulez, dirigés par lui-même et Christoph Eschenbach, que l’Orchestre de Paris et l’Ensemble InterContemporain donneront à la Cité de la musique et à la salle Pleyel du 28 novembre au 16 décembre. Il confirme une fois de plus, s’il en était besoin, que le compositeur français est un fabuleux chef d’orchestre.


… auf… II de Mark Andre (1964), part du motif de la résurrection du Christ pour devenir une partition musicale, ne relevant d’ailleurs nullement de la musique religieuse. On entend surtout une vaste étude pour orchestre, faite d’éclats sonores répartis entre les différents pupitres, souvent entrecoupés de silences, se répondant parfois dans une tension confinant à la violence. La direction met admirablement en valeur les jeux sur les timbres et les intensités, faisant naître la musique du silence, à travers des sons épars émis par les deux pianos, pour l’y replonger à la fin. Dès cette première pièce, l’Ensemble Modern Orchestra (formé à partir de l’Ensemble Modern, dont les dix-sept solistes se sont adjoints des musiciens collaborant régulièrement avec eux) montre une virtuosité qui s’épanouit bientôt dans Amériques de Varèse. Le chef porte l’œuvre à un rare degré d’incandescence, lui donnant par sa précision une transparence incroyable, débrouillant l’écheveau de ses complexités, tout en maintenant une implacable tension, en situant plus que jamais la fin dans le prolongement du rituel orgiaque du Sacre du printemps de Stravinski. Obst (en allemand « fruit ») d’Enno Poppe (1969), se compose de quatre parties se voulant une sorte d’équivalent musical de quatre fruits dans une coupe. L’écriture est plus libre, plus spontanée, plus hédoniste que celle de Mark Andre, avec parfois des relents de tonalité : Pierre Boulez semble la diriger avec gourmandise, non sans humour, comme dans le deuxième volet, construit sur une tierce mineure ascendante. Un quart d’heure de musique, comme pour …auf… II, témoignant d’une conception très différente du temps musical. Le bref Towards Osiris a été commandé à Matthias Pintscher (1971) par Simon Rattle et la Philharmonie de Berlin, qui l’a créé en mars 2006, pour compléter Les Planètes de Holst : de là vient sans doute la virtuosité du morceau, tantôt jubilatoire tantôt cinglant, avec un solo de trompette presque jazzy. La direction de Boulez, ici, flamboie littéralement – il doit d’ailleurs en créer l’an prochain, à Chicago, une version beaucoup plus étendue. L'oeuvre, comme celles de Mark Andre et d'Enno Poppe, était donnée en création française.


La direction ne flamboie pas moins dans les Notations I, VII, IV, III et II, de Pierre Boulez lui-même. Ce qui dans la version initiale pour piano était le brillant essai d’un jeune homme de vingt ans ébloui par l’Ecole de Vienne, est devenu une série de rutilantes études pour orchestre, plus élaborées, témoignant d’une science des timbres et des rythmes assez exceptionnelle. On y sent parfois l’ombre de Messiaen – la IV fait penser à la Turangalîla tandis que la III ou la II rappellent un peu – mais oui - le Jolivet des Danses rituelles, la III par sa magie incantatoire, la II par sa fureur dionysiaque. Boulez, pourtant, est bien là, ne serait-ce que par la concentration lapidaire des effets, par ce mélange de sécheresse apparente et de luxuriance. La virtuosité du chef ne fait ici plus qu’un avec celle du compositeur… et avec celle de l’orchestre : c’est fascinant.


La Notation II est bissée : bientôt un tube ? Les temps ont bien changé : on ne s’en plaindra pas.



Didier van Moere

 

 

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