Back
Destin tragique Strasbourg Opéra 11/05/1998 - et 7, 8 novembre 1998 Einojuhani Rautavaara : Aleksis Kivi Jorma Hynninen (Aleksis Kivi), Hans Lydman (Alexis Stenvall), Riika Rantanen (Charlotta), Riika Hakola (Hilda), Marcus Groth (J. L. Runeberg), Lasse Pöysti (August Ahlqvist)
Orchestre symphonique de Mulhouse, Markus Lehtinen (direction musicale), Vilppu Kiljunen (mise en scène) Rautavaara aime les destins tragiques, les personnages dont le chemin sillonne perpétuellement entre génie et folie. Après avoir mis en musique la vie de Van Gogh dans son opéra Vincent, le compositeur finlandais retrouve les racines de son pays en nous racontant l’existence heurtée du premier auteur national de son pays, Aleksis Kivi. Prônant le réalisme et le naturalisme en littérature, l’écrivain dut affronter les critiques incessantes des suédophones qui condamnaient non seulement son emploi systématique de la langue finnoise mais aussi son souci de véracité dans une expression non enrobée ou déformée par les lourdeurs d’un style ampoulé.
Aleksis Kivi est donc l’histoire d’un combat. Celui d’un homme contre ceux qui ne comprennent pas son inconditionnel besoin de reconnaissance. Celui d’un artiste qui subit les humiliations mais ne fléchit pas. Finalement, les pressions multiples parviendront à triompher de sa raison et Kivi achèvera son parcours dans un asile. Ce sont toutes ces étapes qu’évoquent Rautavaara, avec noirceur et désespoir. Livret elliptique (qui nécessite vraiment la connaissance préalable de l’histoire de Kivi), musique tourmentée et pourtant très abordable parce que sensuelle. Effrayante aussi avec ses percussions qui surgissent, nous rappelant l’ampleur du drame. Mélodique enfin, réservant de superbes interventions solistes aux chanteurs. Captivante donc, comme l’ensemble de l’oeuvre qui nous happe pendant une heure quarante, admirablement servie par une distribution irréprochable.
Impressionnant Hynninen, commanditaire et dédicataire du rôle, totalement investi par ce personnage, jouant et chantant l’espérance puis la décadence avec une intelligence confondante. Cruel Ahlqvist, rôle parlé, étonnamment interprété par Lasse Pöysti, acteur exceptionnel naviguant avec une aisance confondante du finnois au français, arborant une diction irréprochable. A leur côté, on remarquera les touchantes incarnations de Charlotte et Hilda, ainsi que la brève performance de Marcus Groth, terrifiant Runeberg, pantomime frénétique.
Parfaitement en phase avec le livret et sa transposition musicale, la mise en scène de Vilppu Kiljunen restitue la noirceur de l’oeuvre. Peu de lumière, des décors parcimonieux mais une pleine occupation de l’espace par les protagonistes. Un espace encore enrichi par les jaillissements d’un orchestre irréprochable, excellemment conduit par Markus Lehtinen. Constance Muller
|