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Lyon ressuscite Marie Stuart Lyon Opéra national 09/26/2007 - et 28* (Lyon), 30 (Paris) septembre 2007 Gaetano Donizetti : Marie Stuart Iano Tamar (Elisabetta), Ruth Ann Swenson (Maria), Dario Schmunck (Roberto), Giovanni Furlanetto (Talbot), Lionel Lhote (Cecil), Paola Giardino (Anna)
Orchestre et Chœurs de l'Opéra de Lyon, Evelino Pidò (direction)
Après L’Elixir d’amour avec Angela Gheorghiu et Roberto Alagna en 1999, Lucie de Lammermoor avec Natalie Dessay et Patrizia Ciofi en 2002, Roberto Devereux il y a deux ans, l’Opéra de Lyon, en commençant sa saison par Maria Stuarda, confirme qu’il entretient avec Donizetti des liens privilégiés, faisant chaque fois appel à Evelino Pidò. On attend évidemment de voir bientôt la troisième reine, la pauvre Ann Boleyn, monter à l’échafaud après une des scènes de folie les plus célèbres du répertoire italien. Alors que l’Opéra de Paris s’est contenté, depuis l’arrivée de Gérard Mortier, d’une reprise de Lucia et d’une nouvelle production de L’Elixir, au lieu de proposer, par exemple, un des opéras de Donizetti créés à Paris, on ne peut que remercier Serge Dorny de nous offrir cette Maria Stuarda. Doit-on se plaindre que ce soit seulement en version de concert ? Il est des musiques qui, à elles seules, en disent assez et il suffit d’écouter le deuxième acte à partir du Sextuor précédant le célèbre affrontement entre les deux reines, pour se convaincre que l’opéra de Donizetti, où il n’y a pas une scorie, est de celles-là. La soirée lyonnaise, de surcroît, malgré ses faiblesses, laisse plutôt une bonne impression.
Faiblesse du côté de l’Elisabeth d’Iano Tamar, même si, pour le principe, on a eu raison d’éviter une mezzo au profit d’un falcon – comme dans le Don Carlos de Verdi, les tessitures des deux héroïnes ne sont pas si éloignées et le partage traditionnel entre soprano et mezzo ne va pas sans risque. Dès l’entrée d’Elisabeth, la soprano géorgienne n’est pas impeccable techniquement : la voix a des trous, les registres sont mal soudés, les aigus s’arrachent, la colorature s’épuise dans les cabalettes, les couleurs se cherchent. Mais elle a un vrai tempérament dramatique, une certaine noblesse aussi, évite le recours trop fréquent au registre de poitrine, bref ne fait pas de la reine jalouse et vipérine une poissonnière qui s’ignore, écueil où achoppent certaines de ses consœurs. On est donc moins enclin à la sévérité, tout en craignant pour l’avenir de la chanteuse. Remplaçant la pourtant très attendue Patrizia Ciofi, Ruth Ann Swenson, reine plus élégiaque que révoltée, connaît aussi quelques problèmes : la voix, en se corsant, s’est durcie, avec un aigu souvent blanchi qui n’a pas l’air de prolonger le médium – les contre-ré criés à la fin des deux actes semblant quant à eux tout à fait superflus. Mais, pour le coup, il y a des couleurs, une maîtrise de l’instrument, une aisance dans les ornements, une familiarité avec l’écriture belcantiste dont sa rivale, qui a pourtant chanté Sémiramis, ne peut plus assumer les exigences. Et, là encore, on remarquera une dignité heureusement conservée lorsqu’elle traite sa geôlière de sale bâtarde. La grande et longue scène finale, marche à l’échafaud et assomption vers la lumière du martyre, ne manque pas d’allure.
Si Maria Stuarda est un opéra de femmes, où le ténor n’a même pas droit à un air digne de ce nom, les hommes, à Lyon, n’ont guère montré de failles. L’argentin Dario Schmunck a une voix très bien conduite, à l’émission souple et haute, ce qui lui permet de ne jamais crier, de nuancer jusque dans l’aigu, sans la moindre fatigue, notamment dans le duo du premier acte avec Elisabeth ; il est, de plus, stylé, ne confondant pas bel canto et vérisme. Remarquable est, de son côté, le Talbot de Giovanni Furlanetto, compatissant et tutélaire, en particulier dans le duo de la confession au second acte, un grand moment de la soirée : les uns en font souvent trop, les autres pas assez, lui trouve le juste équilibre et parvient à faire exister le personnage. Deux jeunes chanteurs à suivre complètent la distribution : Paola Gardino en Anna et, surtout, Lionel Lhote en Cecil, belle clé de fa, au timbre riche, qu’un certain nombre de maisons a déjà invité.
Evelino Pidò, qui a déjà dirigé l’œuvre à Genève en 2005, la connaît sur le bout de la baguette, suivant chaque mot du texte, chantant presque avec les chanteurs. Sa direction est claire, précise, ferme ; il sait aussi créer des atmosphères, notamment lorsque Marie apprend la sentence qui la frappe. Bref, nous sommes au théâtre, avec des moments de grande tension, comme à la fin du premier acte. L’orchestre et les chœurs donnant le meilleur d’eux-mêmes, on passe sur une certaine sécheresse, dont on sait que le chef italien, dans son souci de fidélité scrupuleuse aux partitions qu’il dirige, a parfois du mal à se départir.
Le site de l'Opéra de Lyon Didier van Moere
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