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Les Troyens à Genève

Geneva
Grand Théâtre
09/13/2007 -  et les 16*, 19, 22, 29 septembre ; les 25 & 26 septembre, 1er & 2 octobre (version en deux soirées)
Hector Berlioz : Les Troyens
Kurt Streit (Enée), Jean-François Lapointe (Chorèbe), Nicolas Testé (Panthée), Ralf Lukas (Narbal), John Osborn (Iopas), Isabelle Cals (Ascagne), Anna Caterina Antonacci (Cassandre), Anne Sofie von Otter (Didon), Marie-Claude Chappuis (Anna), Marcel Reijans (Hélénus/Hylas), René Schirrer (Priam/Mercure), Frédéric Caton (Un chef grec/Seconde Sentinelle), Christophe Fel (le Fantôme d’Hector), Marc-Olivier Oetterli (Première Sentinelle), Danielle Bouthillon (Hécube), Sonya Yoncheva (Polyxène), Aleksander Chaveev (Un soldat), Latou Chardonnens (Andromaque)
Orchestre de la Suisse Romande, Chœur du Grand Théâtre, John Nelson (direction)
Yannis Kokkos (décors, costumes et mise en scène)

Quatre ans après leur baptême du feu au Châtelet, Les Troyens mis en scène par Yannis Kokkos n’ont pas pris une ride. On revoit avec plaisir ce plan incliné et ce miroir à travers lequel tout semble vaciller, à commencer par la trop riche Troie, ces lignes épurées où se dessine Carthage, cette vidéo nous montrant Didon et Enée succombant dans la forêt. Et la justesse de la direction d’acteurs, toujours sobre alors qu’elle récupère toute la rhétorique d’un certain jeu tragique, dans ses gestes et ses expressions, séduit toujours autant. Il y a peut-être moins de tension que dans la production d’Herbert Wernicke, mais plus de subtilité. Yannis Kokkos inscrit Les Troyens dans la tradition de la tragédie lyrique telle que Berlioz la renouvelle, préférant aux facilités de l’actualisation la peinture des passions de l’âme : le drame intimiste l’emporte sur le grand opéra.

La distribution est très différente. Mais la très belle Cassandre d’Anna Caterina Antonacci est demeurée. Le timbre semble avoir perdu de sa chair, la chanteuse semble un rien prudente, sans doute pour ne pas être prise au dépourvu techniquement, mais Cassandre est toujours là, moins devineresse possédée que jeune femme fragile, assumant en tout cas la grande tradition française. C’est sans doute ce qu’entendait faire aussi Anne Sofie von Otter en Didon – on notera que toutes les deux, par exemple, ont chanté Alceste de Gluck – mais la voix, qui n’a jamais été celle de Didon, ne répond plus. Très flattée par le disque, elle est aujourd’hui détimbrée, usée jusqu’à la trame, parfois à peine perceptible, cruellement creuse dans les apostrophes à Enée. Il a beau rester une noblesse de ligne, un art de la déclamation, un sens certain du tragique dans les moments les plus pathétiques – la mort ne manque pas de grandeur, une souplesse dans les passages les plus doux – le duo avec Anna, le duo avec Enée sont très subtilement chantés -, on cherche en vain la reine de Carthage. L’Enée de Kurt Streit, en revanche, crée la surprise. On sait bien qu’il ne faut pas ici une voix héroïque à la Samson, mais une voix à l’aigu facile, souple d’émission, toutes qualités que possède le ténor allemand malgré un timbre un rien nasal : l’entrée d’Enée au premier acte, du coup, n’est pas hurlée, le duo et l’air sont chantés avec les nuances nécessaires, le héros est rendu à son humanité. Aussi lui pardonne-t-on de peiner un peu à la fin dans les aigus d’un des rôles les plus éprouvants du répertoire français – où l’on rêve toujours d’entendre Roberto Alagna. Le Chorèbe de Jean-François Lapointe convainc moins, malgré des phrasés appliqués : la voix, cette fois, manque de mordant sinon d’héroïsme, l’émission reste trop en arrière. A l’exception du Narbal rocailleux et pâteux de Ralf Lukas, les rôles secondaires sont bien défendus, de la charmante Anna de Marie-Claude Chappuis au beau Iopas de John Osborn – qui était Léopold dans La Juive à Bastille – et à l’excellent Ascagne d’Isabelle Cals.

Comme le metteur en scène, John Nelson, un des meilleurs berlioziens du moment, se garde bien d’assimiler Les Troyens à un grand opéra. Même dans les scènes qui s’y apparentent le plus, il ne succombe pas à la tentation de la grandiloquence. Sa direction scrupuleuse et fouillée, non sans décalages avec le – remarquable – chœur cependant, s’attache surtout aux couleurs, montrant que Berlioz reste toujours aussi inventif près de trente ans après la Fantastique, les couleurs ressortant d’autant plus que le tissu instrumental est d’une grande fluidité, grâce en particulier à un équilibre parfait entre les pupitres – les vents n’étouffent jamais les cordes. Comme Riccardo Muti à Salzbourg, John Nelson, sans rien rajouter, laisse parler Berlioz : il n’en faut pas plus pour redonner tout leur lustre à ces Troyens qui, dirigés ainsi, ne semblent jamais longs – même avec les ballets, que Sylvain Cambreling avait supprimés à Bastille.



Didier van Moere

 

 

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