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Elixir bienfaisant Paris Opéra Bastille 09/14/2007 - et 16, 18, 20, 23 septembre 2007 Gaetano Donizetti : L’elisir d’amore
Désirée Rancatore (Adina), Dmitry Korchak (Nemorino), Laurent Naouri (Belcore), Ambrogio Maestri (Dulcamara), Jeannette Fischer (Giannetta)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (préparation des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Evelino Pido (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène et costumes), Chantal Thomas (décors), Joël Adam (lumières), Agathe Mélinand (dramaturgie et collaboration à la mise en scène)
Dans une production créée en mai 2006 (voir ici) et reprise dès octobre la même année (voir ici), L’Elixir d’amour (1832) de Donizetti revient déjà pour cinq représentations: un retour justifié, car Laurent Pelly et Agathe Mélinand ont conçu un spectacle vif et rythmé, fondée sur une transposition cohérente et bienvenue dans l’Italie rurale de l’après-guerre. Néoréalisme cinématographique, vespas et emblèmes du progrès qui se diffuse dans les campagnes (château d’eau, pylône électrique et tracteur) sont maniés sans prétention, avec humour et légèreté, en harmonie avec l’action. Les décors de Chantal Thomas, qui signe par ailleurs un cocasse rideau de scène parodiant des réclames surannées pour remèdes en tout genre, occupent intelligemment le vaste espace de Bastille, entre amoncellement de bottes de foin et camion grandeur nature du docteur Dulcamara. L’ensemble baigne dans des lumières radieuses réglées par Joël Adam, qui contribuent ainsi au caractère vivifiant, optimiste et coloré de cette réalisation.
La distribution mêle «anciens» du printemps et de l’automne 2006 et «nouveaux». En Désirée Rancatore, la production semble enfin avoir trouvé l’Adina que Heidi Grant Murphy n’était pas parvenue à incarner l’an passé: la soprano italienne passe avec aisance d’un registre léger à des teintes plus corsées, maîtrise la colorature et brûle les planches tout en parvenant à conférer une réelle épaisseur psychologique à son personnage. Rescapé de la création, Ambrogio Maestri s’impose également en Dulcamara: chant tout aussi idiomatique, autorité, voix ductile et, malgré sa stature, belle prestance. Laurent Naouri demeure égal à ses précédentes prestations en Belcore: outré, comme l’y incite il est vrai la mise en scène, de telle sorte que ses pitreries vocales, bien que servies par un indéniable sens comique, sont hélas hors sujet.
Pour ses débuts à l’Opéra national de Paris, Dmitry Korchak suscite un sentiment mitigé en Nemorino: le ténor russe a certes pleinement investi le rôle, sans surjouer le benêt, et en possède la tessiture; cela étant, non seulement son timbre nasal pourra dérouter, mais son émission paraît sans cesse trop tendue, comme si le volume de la salle le conduisait à forcer, plus spinto que di grazia, avec un «Una lagrima furtiva» manquant de nuances. L’orchestre n’est pas le parent pauvre de ce succès, tant s’en faut, mené de façon énergique et pétillante par la baguette experte d’Evelino Pido, à l’unisson d’un chœur musicalement et dramatiquement convaincant.
Aux côtés d’un Capriccio en retrait (voir ici) et d’un Ariane et Barbe-Bleue raté (voir ici), cet Elixir ensoleillé apporte décidément quelque chose de bienfaisant à ce début de saison de l’Opéra national de Paris.
Simon Corley
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