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Fidélité Chaise-Dieu
Abbatiale
08/20/2007 -
Thierry Escaich : Baroque song
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5 «L’Empereur», opus 73 – Symphonie n° 5, opus 67
François-Frédéric Guy (piano)
Orchestre de Bretagne, Grzegorz Nowak (direction)
Après les festivités du quarantième anniversaire, la quarante et unième édition du Festival de La Chaise-Dieu se caractérise par la continuité ou, mieux encore, par la fidélité. En témoigne d’abord le fait qu’elle est dédiée à la mémoire de Bernard Fabre-Garrus, le fondateur de l’ensemble A sei voci, disparu en août dernier à la veille des deux spectacles qu’il devait diriger au cours du festival. Et, au-delà de cet hommage, les trente concerts proposés du 18 au 29 août traduisent les évolutions successives que cette manifestation a connues depuis sa création en 1966 par György Cziffra.
La musique sacrée, en particulier baroque, conserve ainsi une place de choix dans la programmation et trouve en l’abbatiale Saint-Robert (XIe siècle) un cadre idéal: les grands classiques (Vêpres de la Vierge, Missa solemnis, Gloria de Vivaldi, Requiem de Fauré, ...) – dont on se dit qu’il n’est jamais mauvais de les réécouter mais qui suscitent une nette impression de déjà vu en ces lieux – voisinent heureusement avec des choix plus originaux (La Passione de Caldara, Jephta de Haendel, Messe votive de Zelenka, ...). A cette fin, comme de coutume, les meilleurs ensembles spécialisés sont de la partie: Akadêmia, La Cappella de’ Turchini, Cappella Amsterdam, Les Paladins, The King’s consort, Accentus, le Chœur de chambre de Namur, Les Folies françoises, le Chœur Arsys de Bourgogne, ...
Cela étant, au fil de son histoire, le Festival a étendu ses centres d’intérêt, de telle sorte que cette année, après Mozart en 2006, l’un des compositeurs phares, aux côtés de Purcell, sera Beethoven. Le nombre de formations symphoniques invitées reste stable et l’on pourra notamment retrouver des ensembles qui se sont déjà produits à La Chaise-Dieu (orchestres de Bretagne, National de Lorraine, National de Lyon et Français des jeunes).
D’autres acquis sont par ailleurs confirmés: l’association de quatre communes de la région (Le Puy-en-Velay, Chamalières-sur-Loire, Brioude et Ambert), qui accueillent plus du tiers des représentations; les manifestations gratuites (huit brèves «sérénades» à l’extérieur des lieux de concert, cinq conférences de présentation des concerts confiées à Jean-Jacques Griot et à Gilles Cantagrel); les actions à destination de la jeunesse (concert ouvert aux élèves des écoles de musique du département, atelier d’écoute destiné aux enfants du canton); enfin, l’Académie de musique de La Chaise-Dieu, dirigée par Cyril Huvé, dont les enseignants et élèves offrent des sérénades dans le cloître, des répétitions publiques et un spectacle de clôture.
En l’état, la formule rencontre un indéniable succès, mais le directeur général, Jean-Michel Mathé, ayant sans doute fait sien le principe selon lequel il faut que tout change pour que rien ne change, poursuit en douceur son entreprise de modernisation: après le lifting opéré l’an passé sur le livre-programme, l’affiche, plus contemporaine et stylisée, se révèle en phase avec l’importance croissante accordée à la musique de notre temps (Campo, Daniel-Lesur, Devreese, Dusapin, Escaich, de Leeuw, Ligeti, Menut, Tanguy).
Certains usages ne sont cependant pas près d’être bousculés: chaque concert à l’abbatiale est ainsi précédé d’une brève intervention du grand orgue (XVIIIe), confiée aux Coréennes Shi-Young Lee (du 18 au 24 août) et Hyun-Jung Kim (du 24 au 29 août). Ainsi introduite par une pièce de Louis Marchand, la première des deux prestations de l’Orchestre de Bretagne, déjà venu en 2005 (voir ici), demeurait dans le domaine de l’orgue, puisque Thierry Escaich en constituait l’un des centres d’intérêt: une association d’autant plus logique que celui-ci est actuellement «compositeur associé» auprès de la formation bretonne, avec laquelle il devait se produire le lendemain après-midi pour un second concert, après avoir assuré entre-temps une classe de maître le matin.
C’était l’occasion de découvrir l’une de ses plus récentes partitions, un triptyque d’un quart d’heure, de forme vif/lent/vif, dont le titre un rien pince-sans-rire, Baroque song, ne doit pas tromper, car son propos s’avère plus sérieux que ludique. Rien d’étonnant à ce qu’un organiste ait souhaité ajouter sa contribution aux nombreuses musiques inspirées par Bach, mais il ne s’agit ici en rien d’instrumentation ou de parodie: seuls les deux premiers mouvements citent ou évoquent le Cantor (Nun freut euch, lieben Christen gemein, Nun komm, der Heiden Heiland), et encore ces ombres s’estompent-elles progressivement au profit du style d’Escaich, certes ni original ni audacieux, mais dont l’ambition expressive pourra difficilement être contestée, tout spécialement dans la belle déploration du deuxième mouvement, le plus développé des trois. En revanche, l’acoustique ne rend pas pleinement justice à l’écriture plus volubile des deux autres mouvements.
Accueil poli, pour ne pas dire glacial, de la part d’un public peu réceptif à une œuvre pourtant parfaitement à l’image d’un festival qui souhaite réunir l’ancien et le moderne. Mais en début de seconde partie, le brillant improvisateur, sur un instrument moderne installé pour la circonstance, a davantage convaincu que le compositeur, dans une série de variations sur l’Ode à la joie: dans la plus pure tradition de l’orgue symphonique français, Escaich joue des harmonies et des registres pour conférer à la mélodie beethovénienne des couleurs inédites, parfois fantomatiques et irréelles, la démonstration s’achevant néanmoins sur une tarentelle fantastique.
Le point de départ de cette improvisation s’inscrivait logiquement dans un programme consacré pour l’essentiel à Beethoven, représenté par ses deux plus célèbres «cinquièmes», le Cinquième concerto «L’Empereur» (1809) et la Cinquième symphonie (1808). Les protagonistes du concerto évoluaient chacun en terrain connu: d’un côté, l’Orchestre de Bretagne, qui a enregistré pour TransArt live l’intégrale des concertos de Beethoven voici trois ans à Reims sous la direction de Moshe Atzmon, avec Georges Pludermacher (voir ici); de l’autre, François-Frédéric Guy, qui, s’étant notamment fait connaître par ses interprétations beethovéniennes, s’est lancé dans la même aventure chez Warner, en compagnie de l’Orchestre philharmonique de Radio France et de Philippe Jordan, avec lesquels il a déjà donné le Quatrième en décembre dernier à Paris (voir ici).
Visiblement peu convaincu par Baroque song, un spectateur exprime d’emblée son soulagement et sa satisfaction («C’est autre chose!») lorsque l’orchestre entonne le premier thème de l’Allegro con brio, mais rarement accompagnement aura paru aussi hésitant, imprécis, dépourvu d’énergie et même faux. Il en aurait fallu toutefois bien davantage pour désarçonner François-Frédéric Guy, toujours aussi altier, pour ne pas dire impérial: sans concession, fin et apollinien, à la sonorité soignée mais non sans puissance, d’un goût irréprochable, le pianiste français suscite davantage l’admiration que l’enthousiasme, encore qu’à la manière – admirable de délicatesse et de sensibilité – dont il égrène les premières notes de l’Adagio un poco mosso, on comprenne sans peine qu’il se dise désormais prêt à aborder Chopin. Ce que vient confirmer en bis l’Adagio sostenuto initial de la Quatorzième sonate «Clair de lune» (1801), d’une inébranlable hauteur de vue, sans effusions mais sans froideur pour autant.
Dans la Cinquième symphonie, l’orchestre se montre sous un meilleur jour, mais la direction aux effets appuyés, un peu lente et trop appliquée de Grzegorz Nowak bride la dynamique beethovénienne, l’ensemble sonnant de manière massive alors que l’effectif est réduit (trente-deux cordes). Mais la ferveur des auditeurs n’est en rien entamée, que les musiciens remercient par une Ouverture des Noces de Figaro (1786) de Mozart sur laquelle l’esprit semble enfin souffler: un succédané de «folle journée» pour conclure une bien «sage soirée».
Le site du Festival de La Chaise-Dieu
Le site de Thierry Escaich
Le site de l’Orchestre de Bretagne
Le site de François-Frédéric Guy
Le site de Grzegorz Nowak
Simon Corley
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