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Muti berliozien

Salzburg
Grosses Festspielhaus
08/12/2007 -  et 14*, 15 août 2007
Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14 – Lélio
Gérard Depardieu (récitant), Michael Schade (ténor), Ludovic Tézier (baryton)
Chor der Wiener Staatsoper, Wiener Philharmoniker de Vienne, Riccardo Muti (direction)


Une clarté toute latine dans le dessin des lignes et des plans, un respect scrupuleux des nuances : il n’en faut pas plus pour s’apercevoir, grâce à Riccardo Muti, que la Fantastique peut sonner comme de la musique de chambre et ne perd rien à être interprétée avec une sorte de classicisme apollinien. Tout se passe, après tout, à l’intérieur d’une conscience. Au début de « Rêveries-Passions » le chef italien obtient d’incroyables nuances des cordes, une souplesse rare dans les phrases, qui ne se démentira pas dans l’orage des passions, dont chaque ligne est perceptible. Les ondulations ternaires du début de « Un bal » créent une atmosphère onirique qui fera de ce deuxième mouvement moins une valse qu’un rêve de valse, où la précision des traits, dans le vertige final, est impressionnante. La « Scène aux champs » révèle tout l’infini de ses nuances, avec des détails qu’on entend rarement ailleurs. De même, le départ des cuivres, dans la « Marche au supplice », se fait bien pianissimo et, dans ce tintamarre savamment organisé, les cordes ne seront jamais étouffées. Tout aussi contrôlé est évidemment le « Songe d’une nuit de sabbat », où l’ont peut lire toutes les voix de la fugue sans que s’émousse la force dévastatrice du morceau. La leçon est claire : il suffit, chez Berlioz, de regarder la partition. Il est vrai aussi que Muti la replace dans son contexte, qu’il connaît bien pour avoir dirigé Spontini, Meyerbeer ou Cherubini, alors que certains chefs ont plutôt tendance à la rattacher, souvent d’ailleurs avec bonheur, à une tradition postérieure, marquée notamment par Wagner, avec laquelle elle n’a rien a faire – le Beethoven dont Berlioz a eu la révélation, par exemple, n’est certainement pas celui qu’on a entendu cinquante ans plus tard. Mais soyons juste : tout cela est aussi possible parce que Muti dirige une Philharmonie de Vienne en état de grâce – avec tous les chefs de pupitre, ce qui n’est pas le cas avec tout le monde, même à Salzbourg.


Faire suivre la Fantastique de Lélio était une excellente idée et permettait de vérifier que le « monodrame lyrique » conçu par Berlioz est beaucoup moins hybride qu’on l’a trop souvent dit. Solliciter le concours de Gérard Depardieu assurait ensuite le succès de l’opération. Plus applaudi que le chef lui-même, le célèbre acteur n’en déçoit pas moins le public francophone : peu ou mal préparé, ayant du mal à s’abstraire de son texte, il se montre très inégal. S’il restitue souvent avec force les élans passionnés du double de Berlioz, il n’en sent guère l’humour et pèche surtout par une articulation pâteuse, devenant parfois totalement inintelligible. Le voir se retourner vers les choristes et leur recommander, le nez dans son texte, de « ne pas tenir leur cahier de musique devant leur visage » ne manque d’ailleurs pas de piquant. Cela dit, la réalisation est heureuse, avec ce rideau séparant le récitant de l’orchestre plongé dans une pénombre bleue jusqu’à la « Fantaisie sur La Tempête de Shakespeare ». Riccardo Muti est aussi admirable que dans la Fantastique, témoignant d’un art de la suggestion où l’on retrouve le chef d’opéra. Le « Chœur des ombres » nous plonge au plus profond des ténèbres de l’Hadès, avec des effets de timbre hallucinants. La « Fantaisie » a des sonorités ailées, aériennes, ne prenant jamais de poids inutile, même dans les déchaînements de la tempête. Ludovic Tézier fait bien ce qu’il a à faire dans la « Chanson de brigands ». « Le Pêcheur » et la « Chanson du bonheur » gardent, chantés par Michael Schade, leur poésie intimiste et rêveuse, grâce notamment à une voix mixte maîtrisée avec aisance.


Sans doute un des plus beaux concerts du festival.



Didier van Moere

 

 

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