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Stravinski de poche Paris Hôtel de Soubise 07/27/2007 - Igor Stravinski : Petrouchka – Le Sacre du printemps
Lidija & Sanja Bizjak (piano)
C’est déjà l’avant-dernier concert du Festival Jeunes talents: une soirée encore couronnée de succès, puisqu’il a fallu cette fois-ci ajouter des chaises pour remédier à l’afflux du public. Ensuite, tout au long du mois d’août, la musique pourra somnoler paisiblement dans la capitale durant une grande partie de la semaine, seuls les week-ends offrant régulièrement, à Sceaux ou à Vincennes, quelques compensations au mélomane en état de manque, en attendant une rentrée qui sera toutefois un peu plus précoce que de coutume.
Venues de Belgrade à Paris parfaire leur formation au CNSMDP dans la classe de Jacques Rouvier, les sœurs Bizjak – Lidija (trente et un ans), sixième prix au concours de Dublin (2000), et Sanja (dix-neuf ans) – forment un duo depuis 2002, lequel s’est vu décerner deux prix spéciaux au concours de l’ARD à Munich (2005). Elles avaient choisi pour l’occasion d’interpréter successivement les transcriptions pour piano à quatre mains que Stravinski réalisa lui-même de deux de ses plus grands ballets, Petrouchka (1911) et Le Sacre du printemps (1913): un programme en forme de défi, car s’il existe des arrangements pour piano seul, encore plus exigeants, de ces œuvres – le compositeur destina ses Trois mouvements de «Petrouchka» (1921) à Rubinstein, tandis que Georges Pludermacher joue sa propre version du Sacre – il n’en faut pas moins déployer une agilité digitale et une précision de mise en place exceptionnelles.
L’adaptation du Sacre n’est pas tout à fait une rareté: non seulement les sœurs Bizjak l’ont déjà donnée à l’Auditorium du Louvre en novembre 2005, mais on peut en trouver quelques enregistrements (Ashkenazy/Gabrilov, Ivaldi/Lee, …), dont un dans lequel Fazil Say, usant du rerecording, tient seul les deux parties. Celle de Petrouchka est en revanche nettement moins connue – mais il est vrai qu’elle «fonctionne» peut-être un petit peu moins bien. En tout état de cause, ce Stravinski de poche, dont il ne faut pas oublier que la finalité première était utilitaire (faire travailler les danseurs sans orchestre), ne saurait rendre pleinement justice à des partitions aussi riches et complexes – même le Sacre réduit pour quatre pianos (!) par le Néerlandais Maarten Bon ne peut bien entendu avoir une telle ambition. Certains timbres font donc cruellement défaut – à commencer par le basson dans l’aigu au début de L’Adoration de la terre – mais c’est évidemment le lot de ce type d’exercice, de même qu’a contrario, il permet de révéler des détails auxquels on ne prête pas toujours nécessairement attention à l’orchestre.
Les deux pianistes abordent de front ces différentes problématiques, sans tricher avec les tempi mais avec un minimum d’accrocs, de telle sorte que la réussite est au rendez-vous, même s’il demeure plus difficile de soutenir l’intérêt dans des pages telles que Chez Petrouchka ou l’Introduction du Sacrifice. Tout au plus pourra-t-on parfois avoir l’impression qu’elles comptent leurs temps avec trop d’application, au prix d’un certain manque de liant et de naturel, mais sans chercher l’impossible imitation de ces merveilles d’orchestration, elles soignent remarquablement les couleurs.
La conclusion reste fidèle à Stravinski et à la danse, mais procède à un renversement des rôles, car après le quatre mains comme transcription, c’est ici un quatre mains original, avec les deux dernières des Trois pièces faciles (1915).… que Stravinski instrumenta quelques années plus tard dans sa Seconde suite pour petit orchestre: une Valse et une Polka, dédiées respectivement à Satie et à Diaghilev, le fondateur des Ballets russes, sans lesquels ni Petrouchka, ni Le Sacre n’auraient sans doute vu le jour.
Simon Corley
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