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Quartiers d’orange(rie) estivaux Paris Orangerie de Bagatelle 07/19/2007 - et 22 juillet 2007 Charles Villiers Stanford : Fantasy n° 2 pour quintette avec clarinette
Maurice Ravel : Ondine, extrait de «Gaspard de la nuit» (arrangement Marcel Bitsch)
Franz Schubert : Quintette «La Truite», D. 667
Octuor de France: Jean-Louis Sajot (clarinette), Jacques Thareau (basson), Antoine Degrémont (cor), Yuriko Naganuma, Jean-Christophe Grall (violon), Laurent Jouanneau (alto), Paul Broutin (violoncelle), Michel Fouquet (contrebasse), David Braslawsky (piano)
Chaque année, après le Festival Chopin, c’est l’Octuor de France qui prends ses quartiers d’été à l’Orangerie de Bagatelle: pour sa quinzième résidence dans ce parc enchanteur, il donnera, d’ici le 15 août, neuf concerts, soit cinq programmes, toujours animés par le souci d’associer raretés et grand répertoire, à l’image de la (courte) soirée inaugurant cette série.
Davantage connu pour sa production chorale et religieuse, Charles Villiers Stanford (1852-1924) n’en a pas moins posé des jalons essentiels dans l’histoire de la musique de chambre britannique, non seulement par ses œuvres mais aussi par son activité d’enseignement: Vaughan Williams, Bridge, Ireland, Goossens, Howells et Moeran ont ainsi été ses élèves. A l’initiative du mécène et musicographe Walter Wilson Cobbett, plusieurs d’entre eux ont composé au début du siècle dernier des Fantasies, partitions d’un seul tenant où se succèdent plusieurs sections dans différents rythmes et tempi, permettant notamment de procéder à une synthèse en un seul mouvement des trois ou quatre mouvements traditionnels – une démarche qui, avec des ambitions moins révolutionnaires, n’est pas sans rappeler, à la même époque, celle de Schönberg (Premier quatuor, Première symphonie de chambre) ou d’Enesco (Octuor).
D’un tempérament particulièrement conservateur, Stanford se disait très réservé sur cette nouvelle forme: «Ces voies latérales de l’art sont attrayantes pour se reposer des grandes routes, mais elles risquent d’aboutir à une impasse et de faire rebrousser chemin. La route peut être parfois poussiéreuse et parfois lourde, mais elle a été tracée par l’expérience de nos ancêtres, qui ont trouvé la meilleure direction pour assurer notre progrès.» Il osa cependant à la fin de sa vie «se perdre dans des régions inexplorées», notamment avec ses deux Fantasies pour quintette avec clarinette (1921 et 1922), qui ne furent publiées qu’à titre posthume.
La formation provient bien sûr de Mozart ou Weber, mais aussi de Brahms, via Richard Mühlfeld, auquel le compositeur allemand avait destiné ses ultimes pages pour clarinette, dont un Quintette, et auquel Stanford avait lui-même dédié un Concerto… que le clarinettiste avait toutefois refusé d’interpréter. D’une durée de près d’un quart d’heure, les trois mouvements enchaînés de la Fantasy n° 2, malgré quelques discrètes allusions au pays natal de Stanford, l’Irlande, doivent également beaucoup à Brahms, mais dans un climat dépourvu de tout nuage, qui semble annoncer la sérénité hors du temps du dernier (Richard) Strauss.
Marcel Bitsch (né en 1921), premier grand prix de Rome en 1945, a réalisé plusieurs arrangements à la demande de l’Octuor de France: on pourra entendre les 26 et 29 juillet celui des Variations Goldberg, mais c’est son travail sur Ondine, première des trois pièces de Gaspard de la nuit (1908) de Ravel, réalisé en 2002, qui était ici présenté. Le défi posé par cette musique pianistique par excellence avait déjà stimulé Marius Constant, qui a effectué une orchestration de l’intégralité du triptyque. Associant un piano à l’octuor, Marcel Bitsch s’accommode ainsi aisément des cascades de notes de la version originale, tandis que la mélodie gagne à être portée par la clarinette, le basson, le cor ou les cordes.
Evoquant toujours l’élément liquide, le Quintette «La Truite» (1821) de Schubert offre en outre une conclusion idéale pour une soirée estivale se tenant dans un tel cadre. L’interprétation devra encore faire l’objet de quelques ajustements, mais elle convainc déjà par sa simplicité et sa fraîcheur, sans précipitation dans le Scherzo ou dans l’Allegro giusto final, d’un charme parfaitement Biedermeier, nonobstant quelques maniérismes du pianiste. En bis, les musiciens reprennent le célèbre Andantino à variations.
Le site de l’Octuor de France
Simon Corley
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