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Une Traviata de haute tenue

Milano
Teatro alla Scala
07/03/2007 -  et les 5, 7, 9, 11, 12, 14, 16, 17*, 19, 20 et 21 juillet 2007

Giuseppe Verdi : La Traviata


Angela Gheorghiu*/Irina Lungu/Elena Mosuc (Violetta), Natascha Petrinsky (Flora), Tiziana Tramonti (Annina), Ramón Vargas/Massimo Giordano/Jonas Kaufmann* (Alfredo Germont), Roberto Frontali/Leo Nucci*/George Gagnidze (Giorgio Germont), Enrico Cossutta (Gastone), Alessandro Paliaga (Barone Douphol), Piero Terranova (Marchese d'Obigny), Luigi Roni (Dottor Grenvil), Nicola Pamio (Giuseppe), Giuseppe Nicodemo (Domestico), Ernesto Panariello (Commissionario)


Chœur et orchestre de la Scala, Lorin Maazel (direction musicale). Mise en scène: Liliana Cavani, reprise par Marina Bianchi, décors: Dante Ferretti, costumes: Gabriella Pescucci, chorégraphie: Micha van Hoecke



La première de cette reprise de La Traviata (le spectacle date de 1990), diffusée en direct par les radios du monde entier, a été particulièrement chahutée, provoquant un nouveau scandale comme seule la Scala en a encore le secret. On a parlé de complot, de règlement de compte visant Angela Gheorghiu et faisant suite à l’esclandre provoqué en décembre dernier par la sortie de scène intempestive de Roberto Alagna, son époux, dans une Aida très largement médiatisée… Passons, car fort heureusement les choses se sont calmées pour les représentations suivantes, qui ont pu se dérouler dans des conditions (presque) normales. Grâce peut-être à la canicule qui étouffe Milan, et qui a incité bon nombre de ses habitants à chercher ailleurs un peu de fraîcheur. Ce qui explique pourquoi la vénérable salle est remplie de touristes tout heureux d’avoir pu pénétrer dans le saint des saints de l’art lyrique, et qui applaudissent dès le lever de rideau, à la seule vue du décor somptueux du salon de Violetta. Seule une irréductible bande de fanatiques a cru bon néanmoins de siffler chef et solistes au rideau final, alors que personne n’a démérité et que, à quelques détails près, la représentation a été de très haut niveau. Par chance, les sifflets ont vite été couverts par les applaudissements des autres spectateurs. Les membres du bruyant poulailler milanais sont-ils à ce point exigeants ou blasés pour ne pas se rendre compte de la chance qu’ils ont d’avoir échappé, disons, à La Traviata du duo Cambreling/Marthaler, pour ne prendre qu’un exemple récent?


Certes, la Violetta d’Angela Gheorghiu n’est pas exempte de défauts. La voix est petite et la projection limitée, les vocalises du premier acte sont laborieuses et la gestuelle est caricaturale, la faute peut-être à un nombre insuffisant de répétitions avec la metteur en scène. Mais la voix est belle et riche en couleurs, souple et ample sur toute la tessiture, et, pour une fois, la chanteuse réussit à faire passer l’émotion, notamment dans le duo avec Germont père, électrisant, ainsi qu’au dernier acte, où on la sent totalement investie dans le rôle.


Certes, Jonas Kaufmann ne possède pas ce que l’on pourrait appeler une voix solaire, et l’absence d’italianità dans le phrasé se fait cruellement sentir. De plus, le ténor, qui semble sur la réserve, mettra du temps à trouver la pleine possession de ses moyens vocaux. Mais sa prestance ainsi que les couleurs barytonales et le caractère viril de son timbre dissipent les doutes initiaux. Certes, la direction de Lorin Maazel peut sembler déconcertante, avec des tempi parfois très lents et une tendance à couvrir les chanteurs. Mais dans ses excès, le chef américain sait rendre les contrastes de la partition, réussissant à en souligner la tension dramatique. Le seul à avoir fait l’unanimité aura été le vétéran Leo Nucci, qui a offert dans Di Provenza une véritable démonstration de l’art du baryton verdien, ovationnée à juste titre. Comme dit plus haut, une représentation de haute tenue, que bien des théâtres lyriques envieraient.




Claudio Poloni

 

 

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