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Entre frustration et satisfaction Compiègne Saint-Crépin-aux-Bois (Eglise) 07/15/2007 - Joseph Haydn : Quatuor n° 67 «L’Alouette», opus 64 n° 5
Karol Szymanowski : Quatuor n° 2, opus 56
Camille Saint-Saëns : Quatuor n° 2, opus 153
Quatuor Joachim: Zbigniew Kornowicz, Joanna Rezler (violon), Marie-Claire Méreaux (alto), Laurent Rannou (violoncelle)
Le Festival des Forêts bénéficie enfin de conditions météorologiques plus conformes aux normes de saison et, surtout, plus propices aux activités de découverte du patrimoine naturel et culturel picard qu’il propose parallèlement à sa programmation musicale. C’est dans ce cadre que se produisait le Quatuor Joachim, formé des chefs de pupitres de l’Orchestre de Picardie: au cours de la randonnée précédant le concert, les marcheurs auront ainsi pu découvrir les Bucoliques pour alto et violoncelle de Lutoslawski, on ne peut plus indiquées dans un tel contexte. Le programme proprement dit, donné à Saint-Crépin-aux-Bois, non loin de Rethondes, aura hélas été substantiellement modifié par rapport à ce qui avait été annoncé: exeunt les Quatuors de Ravel et, surtout, de Bacewicz, si rare à l’affiche.
Le public n’en a pas moins rempli l’église (début XVIe), de belles proportions pour une commune de 280 habitants, et la déception est rapidement oubliée, à l’audition d’un Soixante-septième quatuor «L’Alouette» (1790) de Haydn qui sonne certes un peu large sous ces voûtes, mais sans perdre de sa bonne humeur, avec une belle prise de risque dans le Vivace final. Zbigniew Kornowicz, le premier violon, présente ensuite brièvement le Second quatuor (1927) de Szymanowski, dont il inspire, par son lyrisme, une superbe interprétation: l’acoustique tend à émousser les aspérités et à arrondir les angles, mais la musique respire parfaitement, le son s’épanouit de façon généreusement postromantique et l’engagement ne fait jamais défaut.
Ayant abondamment enregistré le répertoire français chez Calliope, les Joachim sont tout autant dans leur élément avec le Second quatuor (1918) de Saint-Saëns, dont ils offrent une vision complète, ne cantonnant pas la partition à un pastiche XVIIIe qui aurait fait l’impasse sur Franck, Ravel et Debussy. Ils confèrent même un élan quasi juvénile (Allegro animato) à ces pages pourtant nées sous la plume d’un compositeur âgé de quatre-vingt-trois ans, qui, entre sérénité et nostalgie, semble vouloir se débarrasser de l’image sérieuse et distante liée à son statut de musicien «officiel» de la IIIe République: on trouvera bien une fugue dans l’Allegretto con moto final, mais Saint-Saëns, sans rien perdre de sa maîtrise coutumière, se livre ici à l’humour (comme ces pizzicati sur les cordes à vide) et, d’une manière tout à fait inhabituelle, à la confidence dans l’Adagio central.
En bis, le Quatuor Joachim suscite finalement des regrets, car si dans le Scherzo du Quatuor (1903) de Ravel, seule la partie centrale s’accommode à peu près de la réverbération du lieu, ces instants frémissants, comme venus d’un passé enfoui, auraient donné envie d’entendre les trois autres mouvements…
Simon Corley
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