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De neuf à quatre

Bordeaux
Grand Théâtre
07/06/2007 -  et 7 juillet 2007
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuors n° 14, K. 387 (a), n° 15, K. 417b [421] (b), n° 16, K. 421b [428] (c), n° 17 “La Chasse”, K. 458 (d), n° 19 “Les Dissonances”, K. 465 (e), et n° 21, K. 575 (f)
Nicolas Bacri : Quatuor n° 7 “Variations sérieuses”, opus 101 (création)

Quatuor Alma (e): Ann-Estelle Médouze, Maud Rouchaleou (violon), Claudine Christophe (alto), Jérôme Lefranc (violoncelle)
Quatuor Voce (a): Sarah Dayan, Guillaume Becker (violon), Cécile Roubin (alto), Julien Decoin (violoncelle)
Quatuor Atrium (e): Alexey Naumenko, Anton Ilyunin (violon), Dmitry Pitulko (alto), Anna Gorelova (violoncelle)
Quatuor Sacconi (f): Ben Hancox, Hannah Dawson (violon), Robin Ashwell (alto), Cara Berridge (violoncelle)
Quatuor Nador (d): Gyula Gabora, Nandor Farkas (violon), Gyula Mohacsi (alto), Marcell Vamos (violoncelle)
Quatuor Quiroga (c): Aitor Hevia, Cibran Sierra (violon), Lander Etxebarria (alto), Helena Poggio (violoncelle)
Quatuor Collegium (e): Kirill Sharapov, Taras Yaropud (violon), Andriy Chop (alto), Yuriy Pogoretsky (violoncelle)
Quatuor Rubens (e): Quirine Scheffers, Sidonie Riha (violon), Roeland Jagers (alto), Joachim Eijlander (violoncelle)
Quatuor Benaïm (b): Yaïr Benaïm, Alexandra Greffin (violon), Myriam Guillaume (alto), Cédric Conchon (violoncelle)


Après la première épreuve (voir ici), neuf concurrents – trois Français, un Britannique, un Espagnol, un Hongrois, un Néerlandais, un Russe et un Ukrainien – restaient encore en lice pour la demi-finale du Concours international de quatuor à cordes: il leur revenait d’interpréter l’un des dix derniers Quatuors de Mozart (y compris, par conséquent, les six dédiés à Haydn), au choix, ainsi que la pièce commandée à Nicolas Bacri pour cette édition, son Septième quatuor, qui connaissait ainsi à cette occasion sa création publique.


D’une durée totale de quatorze à quinze minutes, la partition est intitulée Variations sérieuses: bien que Mendelssohn ait été très bien représenté au cours de la première épreuve, il ne s’agit nullement ici d’une référence à son œuvre (pour piano) du même nom. En fait, selon le compositeur, le “sérieux” vient de ce qu’à “chaque variation correspond une forme musicale bien précise et donc plus contraignante pour moi”. Mais il pourrait tout aussi bien décrire le climat généralement très sombre qui prévaut tout au long de ces pages: bon nombre d’indications en témoignent (funèbre, doloroso, tragico, agressivo, ...) et même l’humour est empreint d’un ton plus grinçant que détendu.


Le quatuor se présente d’un seul tenant et fait preuve d’un réel souci de continuité, mais sa structure n’en ressort pas moins clairement: une introduction solennelle mène à l’exposé du thème (Maestoso cantabile), qui s’élance, d’abord à l’unisson, un peu à la manière de la Grande fugue de Beethoven. Les sept variations obéissent à des formes classiques, successivement Scherzo (avec Trio (Alla burla)), Sarabande funèbre, Sonata, Passacaglia (où apparaissent les quatre notes correspondant à la transcription du nom de Bach dans la notation germanique), Ciaccona, Menuetto (précédé d’un Interludio) et Fuga, le tout se concluant sur un Epilogo récapitulatif. De l’excellent Bacri, sans doute moins sélectif que Kurtag voici deux ans, mais qui, après Boucourechliev et Canat de Chizy – et avant Gilbert Amy en 2010 – s’inscrit dans le répertoire de qualité que suscite le Concours de Bordeaux au fil de ses éditions.


A raison de trois par demi-journée, les formations se sont présentées dans le même ordre que pour la première épreuve, devant un public toujours aussi attentif mais encore plus nombreux que les deux premiers jours.


Vendredi après-midi: crescendo


Sur les neuf ensembles demeurant en compétition, quatre ont choisi, parmi les Quatuors de Mozart, le Dix-neuvième “Les Dissonances” (1785). C’est le cas du Quatuor Alma, qui avance certes sans encombres, mais avec une sage prudence et une sonorité ténue, manquant de rondeur, presque frêle par endroits. Malgré un Menuetto robuste et enlevé, le discours des Français peine trop souvent à trouver une véritable direction, tandis que le cantabile fait défaut dans l’Andante. Plus pédagogique qu’engagé, le Bacri bénéficie d’une bonne mise en place.


Comme au cours de la première épreuve, le Quatuor Voce offre un contraste radical: plus vivants et colorés, n’hésitant pas à prendre des risques, les Français, dans le Quatorzième quatuor (1782), livrent un Mozart entier, animé par un grand sens théâtral, parfois un rien brutal, mais culminant dans un splendide Andante cantabile. Plus habité que celui des Alma, leur Bacri se révèle en revanche moins précis.


La prestation du Quatuor Atrium met fin à une demi-journée allant crescendo: tant en qualité instrumentale qu’en cohésion et en homogénéité, les Russes s’imposent sans peine, d’autant qu’ils investissent pleinement leur Mozart – à nouveau Les Dissonances – sans pour autant le dénaturer: souple et naturelle en même temps que parfaitement pensée, la maîtrise de leur interprétation tranche aussi bien avec la pusillanimité des Alma qu’avec la créativité un peu désordonnée des Voce, d’autant que leur Bacri se montre tout aussi accompli aussi bien d’un point de vue technique que stylistique.


Samedi matin: le bon, la brute et le truand


Le Quatuor Sacconi est le seul à ne pas avoir opté pour l’un des Quatuors dédiés à Haydn, préférant le Vingt et unième (1789), tout à fait en accord avec son tempérament: après leur Brahms de la première épreuve, les Britanniques demeurent égaux à eux-mêmes, avec un Mozart aimable et joli, d’excellente facture, mais dépourvu d’arrière-plans ou de surprises. La rondeur et la pureté de leur timbre contribuent à un Bacri d’une belle qualité instrumentale mais inhabituellement lisse.


Difficile, avec le Quatuor Nador, de concevoir contraste plus frappant: ici aussi, les Hongrois ont choisi un Mozart qui convient à leur personnalité, même s’ils démontrent, dans le Dix-septième quatuor “La Chasse” (1784), une subtilité que l’on n’attendait pas forcément d’eux après leur solide Brahms de la première épreuve. La sonorité, certes chaleureuse, n’atteint toutefois pas le niveau de celle des Sacconi et le premier violon déçoit par son irrégularité. En outre, dans les Variations sérieuses, l’esprit l’emporte trop largement sur l’exactitude.


Le Quatuor Quiroga donne du Seizième (1784) de Mozart une vision très controversée dans sa liberté et sa verdeur: très investis, les Espagnols soulignent les ruptures au risque d’être décousus, refusant de se cantonner à une lecture prudente et déployant un large éventail d’idées originales. Ce parti pris volontiers anguleux et provocateur dynamite également le Quatuor de Bacri, qui s’achève sur une fugue à la vitalité communicative.


Samedi après-midi: le verdict approche


Ayant choisi Les Dissonances de Mozart, le Quatuor Collegium ne confirme pas l’impression favorable qu’il avait laissée à l’issue de la première épreuve: hâtifs, lestés par une couleur peu séduisante et par un style modérément gracieux, les Ukrainiens y sont nettement moins à l’aise que dans Borodine. Sympathique par sa spontanéité, leur approche de Bacri pèche cependant par ses imprécisions.


Dans le même quatuor de Mozart, les Rubens développent une splendeur instrumentale et sonore dont la finalité ne paraît pas toujours très claire, entre dramatisation un peu extérieure et objectivité laissant peu de place à la poésie ou à la passion. Une réalisation impeccable, d’une parfaite homogénéité, qui se prolonge par un Bacri sûr et exact, même si les Néerlandais auraient sans doute pu y mettre davantage de rugosité et d’implication.


Comme tant d’autres ensembles, le Quatuor Benaïm a choisi un Mozart à son image, le Quinzième (1783). Moins séducteurs, plus intériorisés que les Rubens, les Français, qui sont les seuls à effectuer les reprises lors du retour du Menuet, se distinguent par leur soin et leur sérieux, quitte à adopter une certaine distance: une retenue et un refus des concessions qui évitent toute faute de goût mais qui ont tendance à brider la tension aussi bien que la souplesse. Dans la pièce de Bacri, ils prennent le temps, plus que bon nombre de leurs concurrents, d’en mettre en valeur les moments lyriques et expressifs.


Samedi soir: quatre fois quatre


Quatre formations accèdent à la finale: il s’agit, dans le même ordre d’apparition que pour les deux précédentes épreuves, les quatuors Voce, Atrium, Quiroga et Benaïm.



Simon Corley

 

 

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