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Le simple bonheur d’être ensemble Bordeaux Grand Théâtre 07/06/2007 - Joseph Haydn : Quatuor n° 34, opus 20 n° 4
Luciano Berio : Duetti (extraits) (#)
Johannes Brahms : Sextuor n° 1, opus 18 (extraits) (&)
Frank Bridge : Quatuor n° 1, H. 70
Sylvia Rosenberg (# &), Sylvie Gazeau (# &) (violon), Tasso Adamopoulos (&) (alto), Stefan Metz (&), Alain Meunier (&) (violoncelle), Quatuor Vermeer: Shmuel Ashkenasi, Mathias Tacke (violon), Richard Young (&) (alto), Marc Johnson (violoncelle)
S’inscrivant dans le cadre du Festival “Musiques d’été à Bordeaux”, le concert des membres du jury n’en constitue pas moins un temps aussi traditionnel qu’attendu du Concours de quatuor à cordes: son directeur, Alain Meunier, tient en effet à ce que les musiciens qui jugent leurs jeunes collègues paient également de leur personne, et ceux-ci s’y plient bien évidemment de bonne grâce.
Lors de la précédente édition, cette soirée intitulée “Le jury joue pour vous” avait été annulée en raison des inondations et infiltrations provoquées au Grand Théâtre par un violent orage. Rien de tel cette année: le temps est au beau fixe et le public, toujours aussi fidèle à ce rendez-vous, à commencer par le maire de Bordeaux, a ainsi notamment pu profiter de l’une des dernières occasions d’entendre le Quatuor Vermeer: fondé en 1970, celui-ci va bientôt entreprendre une tournée d’adieux qui s’achèvera le 27 novembre prochain.
Dans le Trente-quatrième quatuor, quatrième de l’opus 20 (1772) de Haydn, la formation américaine s’en tient à un classicisme paisible et élégant, sans surcharge de pathos ni effets de manche dans l’Adagio, mais concluant sur un Presto scherzando très allant. Et, pour clore le programme, les Vermeer offraient l’une des rares occasions d’entendre la musique de Frank Bridge (1879-1940), l’un des maîtres de Britten, en l’occurrence le Premier (1906) de ses quatre quatuors. Dans un langage postromantique qui reflète toute son époque, de Ravel à Schönberg en passant par Dvorak, le compositeur anglais y épanche, sans doute un peu trop longuement dans les mouvements extrêmes, une âme pessimiste: si elle met particulièrement l’alto au premier plan, l’œuvre se referme sur l’interrogation inquiète que le violoncelle avait formulée dans l’introduction du premier mouvement, mais un Allegretto grazioso d’humeur plus détendue, placé en troisième position, vient rompre cette unité de ton. Le Quatuor Vermeer a visiblement à cœur de défendre cette partition rare, emportant l’adhésion des spectateurs.
Entre-temps, les autres membres du jury se sont retrouvés pour deux moments spécialement émouvants autour de leur présidente, Sylvia Rosenberg (soixante-dix-huit ans). Elle interprète d’abord avec Sylvie Gazeau douze des trente-quatre Duos de Berio: ces courtes pièces à vocation pédagogique, tour à tour lyriques, folkloriques ou ludiques, tiennent davantage d’études que de simples exercices, chacune étant par ailleurs dédiée à une personnalité, notamment la première à Bartok, lui-même auteur de quarante-quatre Duos.
Cette belle complicité se poursuit dans les deux premiers mouvements du Premier sextuor (1860) de Brahms: aux deux violonistes se joignent Tasso Adamopoulos et Stefan Metz, mais aussi Richard Young, l’altiste des Vermeer, ainsi qu’Alain Meunier: par delà les aléas de la réalisation, de tels instants viennent rappeler que la musique, au-delà des langages, possède ce pouvoir exceptionnel de chanter le simple bonheur d’être ensemble.
Simon Corley
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