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Manon et son double Barcelona Gran Teatre del Liceu 06/21/2007 - et les 24*, 25, 27, 28, 30 juin, 1er, 3, 6, 7 et 9 juillet 2007
Jules Massenet: Manon
Natalie Dessay/Inva Mula (Manon Lescaut), Rolando Villazón*/Stefano Secco (Le Chevalier Des Grieux), Samuel Ramey*/Philippe Rouillon (Le Comte des Grieux), Manuel Lanza*/Joan Martín Royo (Lescaut), Francisco Vas (Guillot de Morfontaine), Didier Henry (De Brétigny), Cristina Obregón (Pousette), Marisa Martins (Javotte), Anna Tobella (Rosette), Claudia Schneider (une servante), Lluís Sintes (L’hôtelier)
Orchestre symphonique et Chœur du Gran Teatre del Liceu, Víctor Pablo Pérez (direction musicale)
David McVicar (mise en scène), Tanya McCallin (décors et costumes), Paule Constable (lumières), Michael Keegan-Dolan (chorégraphie, reprise par Rachel Lopez de la Nieta)
Coproduction avec l’English National Opera et le Lyric Opera Chicago
Chronique d’une représentation particulière au Liceu: juste avant le lever de rideau, une annonce est faite dans la salle. Natalie Dessay souffre d’une laryngite mais assurera néanmoins le spectacle. Son incarnation de Manon est de haute tenue, mais quelques notes ratées et des quintes de toux sont les signes évidents que la chanteuse n’est pas au mieux de sa forme. Nouvelle annonce à la fin du deuxième entracte: Natalie Dessay renonce à poursuivre la soirée et est remplacée par Inva Mula, la soprano de la seconde distribution, à qui la direction du théâtre avait demandé de se tenir prête dès le début de l’après-midi. Et la représentation reprend son cours jusqu’à son terme, (presque) comme si de rien n’était, un exploit plutôt rare à mettre au crédit de la chanteuse albanaise. Au rideau final, Inva Mula va chercher en coulisses Natalie Dessay, qui apparaît sur scène en jogging noir. Les deux chanteuses tombent dans les bras l’une de l’autre, avant d’appeler ensemble le chef.
On le sait depuis sa prise de rôle à Genève, Manon est un personnage à la vocalité limite pour Natalie Dessay. Si la première partie de l’ouvrage convient parfaitement à sa voix légère, la chanteuse sait contourner les difficultés que lui posent les passages plus dramatiques, notamment l’acte de St-Sulpice, par une présence et une intelligence scéniques confondantes, bien que l'orchestre, qui joue souvent trop fort, ne l'aide pas. Les vocalises de l’air du Cours-la-Reine sont bien sûr stupéfiantes, mais l’artiste offre beaucoup plus qu’un simple festival d’effets pyrotechniques: elle donne l’impression d’interpréter les deux parties de façon clairement distinctes, avec des tempi différents, en totale adéquation avec les paroles, du tout grand art!
Après son forfait dans la plupart des représentations de Manon à Berlin le mois dernier, on est heureux de retrouver Rolando Villazon en Chevalier des Grieux. Mais les nouvelles ne sont pas bonnes. Certes, le ténor mexicain est toujours éblouissant de fougue, d'intensité dramatique et de musicalité, délivrant notamment une fin du Rêve d'anthologie, avec des notes en mezza voce longuement tenues, auxquelles le public répond par des applaudissements enthousiastes. Mais, contrairement pourtant à son Hoffmann parisien, son français est le plus souvent incompréhensible, et le chanteur force constamment, surtout dans les aigus. A ce rythme-là, on se demande combien de temps il pourra encore tenir au sommet de l’affiche.
Samuel Ramey est de retour après une longue période d’absence des principales scènes lyriques. La joie de retrouver un tel artiste, qui campe un De Grieux fort digne, fait oublier que la voix est aujourd'hui entachée d'un vibrato particulièrement gênant.
Après les transpositions des récentes productions de Vienne et de Berlin, Barcelone nous offre le plaisir d’un spectacle dans de magnifiques costumes d’époque. A première vue, la mise en scène de David McVicar semble des plus classiques, à l’exception peut-être de scènes osées de copulation dans l’acte de l’hôtel de Transylvanie. Toutefois, la trame se noue devant une tribune composée de quatre rangées, sur lesquelles prennent place des figurants et des danseurs qui, tout au long de la représentation, porteront des jugements, positifs ou négatifs, sur les actions des protagonistes. Une façon intelligente de suggérer le carcan moral dans lequel était enfermée la société du XVIIIe siècle. La présence de nombreuses caméras dans la salle laisse penser que la production sera immortalisée sur DVD, une excellente nouvelle!
Claudio Poloni
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