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Le noir sied à Bartok Geneva Grand Théâtre 06/20/2007 - et les 22*, 24, 26, 28 et 30 juin 2007
Bela Bartok: Le Mandarin merveilleux – Le Château de Barbe-Bleue
Orchestre de la Suisse Romande, direction musicale: Thomas Rösner
Le Mandarin merveilleux
Ballet du Grand Théâtre de Genève, chorégraphie: Kader Belarbi, dramaturgie: Anne Deniau, scénographie: Rémi Nicolas et Jacqueline Bosson, costumes: Adeline André, lumières: Rémi Nicolas
Chœur du Grand Théâtre, direction: Ching-Lien Wu
Le Château de Barbe-Bleue
Laszlo Polgar (Barbe-Bleue), Petra Lang (Judith)
Mise en scène: Denis Marleau et Stéphanie Jasmin, décors: Michel Goulet, costumes: Patrice Cauchetier, lumières: Marc Parent
Pour clore sa saison 2006-2007, le Grand Théâtre de Genève a choisi de proposer un doublé Bartok comprenant le ballet Le Mandarin merveilleux et l'opéra Le Château de Barbe-Bleue. Bien que confiés à des équipes différentes, les deux spectacles offrent de nombreuses similitudes: la musique du compositeur hongrois bien sûr, le thème de l’amour qui mène à la mort, mais aussi le noir comme couleur dominante, une grande sobriété dans les dispositifs scéniques et une stylisation certaine des propos. Le lien entre les deux parties de la soirée est tissé par un Orchestre de la Suisse romande en grande forme, sous la baguette du jeune chef Thomas Rösner. La formation réussit le pari de rendre admirablement l’ambiance des deux partitions, si riches et si denses: frénésie et désir pour Le Mandarin merveilleux, trouble et mystère pour Le Château de Barbe-Bleue, dans un magnifique crescendo d'intensité jusqu'à l'ouverture de la dernière porte. Le public est parcouru de frissons.
Pour Le Mandarin merveilleux, Kader Belarbi a décidé de remplacer les trois voyous de l’histoire originale par une tribu urbaine composée de jeunes gens tout de noir vêtus, le visage masqué, et évoluant dans un décor sombre. Le mandarin apparaît quant à lui dans un costume blanc et brillant, comme pour mieux souligner les différences et attiser les convoitises. Noir contre blanc, seul contre tous, à la simplicité de l’argument s’opposent l’intensité et la sensualité des confrontations.
Changement complet d’atmosphère pour l’opéra: le château est symbolisé par une structure pivotante au centre de la scène, sur les parois transparentes de laquelle sont projetées des images vidéo, alors que le reste du plateau est plongé dans l’obscurité. Habitué du rôle-titre, Laszlo Polgar, malgré quelques difficultés dans les aigus, est confondant de dignité, incarnant un personnage réservé et froid, aux sonorités funèbres, tout le contraire de l’incandescence et des cris de désespoir de Petra Lang, à la voix ample et souple. Un contraste des plus saisissants pour une soirée des plus réussies.
Claudio Poloni
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