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Les Italiens du Théâtre

Paris
Opéra Bastille
10/04/1998 -  

4, 7, 10, 13, 24 et 26 novembre 1998
Vincenzo Bellini : I Capuleti e i Montecchi
Cristina Gallardo-Domas (Giulietta), Jennifer Larmore (Romeo), Raùl Gimenez (Tebaldo), Dimitri Kavrakos (Lorenzo), Sorin Coliban (Capellio)
Robert Carsen (mise en scène), Michael Levine (décors et costumes), Davy Cunningham (lumières)
Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris, Bruno Campanella (direction)

22, 24, 27, 30 octobre, 2, 5, 9, 12, 14, 17, 20 novembre 1998
Giuseppe Verdi : Rigoletto
Alexandru Agache (Rigoletto), Laura Claycomb (Gilda), Phyllis Pancella (Maddalena), Martine Mahé (Giovanna), Stephen Mark Brown (Duc), Miguel Angel Zapater (Sparafucile), Franck Ferrari (Monterone), Peter Snipp (Marullo), Jean-Pierre Trevisani (Borsa)
Jérôme Savary (mise en scène), Michel Lebois (décors), Jacques Schmidt, Emmanuel Peduzzi (costumes), Alain poisson (lumières)
Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris, Emmanuel Villaume (direction)

"Ce type là fait à Shakespeare ce que nous faisons à la Pologne", aurait dit du librettiste Felice Romani l'officier nazi de To be or not to be. D'accord, l'opéra de Bellini s'appuie essentiellement sur les sources italiennes - il n'empêche que Berlioz n'avait pas tout à fait tort, et que la faiblesse de la construction dramatique, asservie aux pires poncifs de l'opéra à numéros, de même que la grossièreté du contour psychologique des personnages, brisent l'élan d'une musique évidemment splendide, mais qui tourne à vide. Carsen semble en offrir une preuve supplémentaire, et cette production reste l'une des moins frappantes qu'il ait réalisé pour l'Opéra de Paris. L'esthétique en est comme toujours remarquable (splendides éclairages de Davy Cunningham, qui nimbent les choses et les êtres d'un halo évoquant les fresques de Vénétie), et le metteur en scène a quelques instants de génie (la bataille au ralenti), mais le matériau de base est bien pauvre pour ce grand directeur d'acteurs qu'on a ailleurs connu infiniment plus inventif.

Le timing dramatique de Verdi, soumettant les règles du mélodrame 1850 et sa richesse mélodique même à ses propres lois, arrive alors comme une illumination. Certes, l'auditeur n'a pas l'esprit encombré d'une référence littéraire aussi écrasante que deux soirs plus tôt... Mais c'est presque en toute logique que Jérôme Savary signe l'une de ses meilleures mises en scènes lyriques parisiennes. Conventionnelle mais efficace, spectaculaire, appuyée sur un décor très Metropolitan Opera qui séduit par sa cohérence spatiale et la retenue de ses tons de couleurs.

Côté chant, la maison prouve une nouvelle fois sa capacité à rassembler des distributions solides dans ce répertoire. Celle de Rigoletto est plus crédible théâtralement, bien qu'une seule individualité domine : Laura Claycomb, dont le timbre un peu acide façon Scotto peut irriter, mais qui impressionne par sa maîtrise technique sur toute la tessiture et son raffinement musical. Art de la projection, dynamique fine (des messa di voce jusque dans le suraigu de "Caro nome" et des nuances piano dans le duo final comme on en a rarement entendu dans cette salle), clarté de la diction animent un phrasé d'une pureté de violoniste. Alexandru Agache déploie une voix superbe, mais sonne bien fonctionnaire en comparaison ; lui ignore les nuances, et vit avec bien trop de distance le drame de son personnage. Contesté au rideau, le Duc de Stephen Mark Brown apparaît comme la seule faiblesse criante - jeu de mots déplorable qui n'en rend pas moins compte des attaques forcées et par en dessous, de la fragilité de l'aigu et de l'incapacité à tenir les phrases longues et souples d'un rôle clairement au-dessus des moyens de cet artiste dont l'univers est ailleurs. Excellente équipe de soutien en revanche, avec un Sparafucile et une Maddalena mémorables, ce qui n'est jamais gagné d'avance.

Physiquement, les protagonistes des Capuleti servent l'oeuvre avec moins de bonheur, mais l'écoute révèle des trésors souvent plus rares. Claycomb avait créé Giulietta à Bastille avec infiniment de talent - Gallardo Domas, d'une musicalité moins délicate, souffre ce soir dans l'extrême aigu, serré et souvent trop bas, mais conquiert le public par la richesse d'un timbre irrésistiblement latin. Gimenez a pour lui ses exceptionnelles qualités de ligne, et tant pis pour le manque d'ampleur dans une salle aussi vaste. Ceux qui n'aiment pas Larmore relèveront comme toujours la couverture artificielle du médium, l'aigu dans les joues et le vibrato un peu large, mais tant d'engagement, d'expressivité dans l'accent et dans les mots, assorties à beaucoup de franchise devant la difficulté, nous valent quelques moments d'intense émotion.

Direction lyrique, attentive et attendue de Bruno Campanella ; Emmanuel Villaume marque davantage la mémoire, avec ses tempos savamment contrastés et plus soigneusement articulés encore, sa rythmique tour à tour martiale et aérienne, sa dynamique respectueuse des coloris même dans le fortissimo (un orage venu des basses, sans clinquant inutile). Et, Dieu, que les vents de l'Opéra ont de charmes dans ces oeuvres qui adressent soudain aux solides un message d'amour venu de la fosse !



Vincent Agrech

 

 

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