Back
D’Yvette Guilbert à Manuel Rosenthal Paris Musée d'Orsay 05/29/2007 - Manuel Rosenthal : Extraits des «Chansons du Monsieur Bleu» (Grammaire – Le vieux chameau du zoo – Le Marabout – Tout l’monde est méchant)
Georges Charton : J’suis bête
Georges Stalin : Le Gardien de phare
Marguerite Canal : Le bonheur est dans le pré
Victor Marceau : La Chanson de Margaret
Louis Aubert : La mauvaise prière
Marguerite Monnot : Mon légionnaire
Traditionnel : Les Canonniers d’Auvergne
Tiarko Richepin : Le vieux phonographe
Ralph Carcel : Tango stupéfiant
Gaston Ouvrard : Ah! les noces!...
Françoise Le Golvan (mezzo), Emmanuel Olivier (piano)
Pour le dernier des trois concerts du cycle «Chansons françaises» du Musée d’Orsay, Françoise Le Golvan a puisé dans le vaste répertoire qu’illustra Marie Dubas (1894-1972) au fil d’une riche carrière que la maladie de Parkinson interrompit dans les années 1950. Après des débuts de comédienne, elle s’était d’abord inscrite dans la descendance montmartroise d’Yvette Guilbert, à la fois populaire et fantaisiste: solides refrains (Les Canonniers d’Auvergne), savoureux récits parlés fleurant bon le registre familier (La Prière de la Charlotte de Jehan-Rictus), voire argotique (Cendrille de Marc Hély, une narration en langue verte de l’histoire de Cendrillon préfigurant les divertissements d’un Queneau).
Elle fut ensuite, durant l’entre-deux-guerres, l’une des vedettes du music-hall dans la capitale (Bobino, Casino de Paris), suscitant alors l’admiration d’Edith Piaf, ainsi qu’en témoignent les images et extraits d’un entretien diffusés durant le concert. Occasion de rappeler que si la «môme» s’appropria rapidement, et avec son propre style, Mon légionnaire (1936), c’est Marie Dubas qui en avait eu la primeur. Mais elle n’en continuait pas moins de cultiver la veine parodique, raillant la chanson réaliste et mélodramatique (Le Gardien de phare), ou simplement humoristique (Ah! les noces!... d’Ouvrard, dont le mécanisme d’accumulation annonce déjà le fameux Je n’suis pas bien portant).
Aux poètes qu’elle a chantés – Paul Fort (Le Bonheur est dans le pré), Rosemonde Gérard (Le vieux phonographe et ses équivoques licencieuses), Pierre Mac Orlan (La Chanson de Margaret) – s’ajoutent des compositeurs non moins «sérieux», tels Louis Aubert (La mauvaise prière) et, surtout, Manuel Rosenthal, dont elle créa, aux Concerts Pasdeloup, les douze Chansons du Monsieur Bleu (1934): moment au demeurant assez houleux, car l’interprète, venue d’un milieu que le Théâtre des Champs-Elysées ne pouvait que regarder avec circonspection, y fut au moins aussi contestée que la musique, qui paraît pourtant désormais bien sage à nos oreilles, quoique sans nul doute difficile à chanter.
Faisant joyeusement fi des problèmes de justesse et des trous de mémoire, Françoise Le Golvan, luxueusement accompagnée par Emmanuel Olivier, exerce un indéniable charisme: après leur avoir offert en bis Quand on vous aime comme ça, l’un des grands succès d’Yvette Guilbert, elle n’a en effet aucun mal à faire reprendre aux spectateurs les lestes «Tireli», «Tirelou» et autres «Turelu» de La Femme du roulier, moment aussi délicieux qu’inattendu et incongru dans le cadre de l’auditorium du Musée d’Orsay…
Simon Corley
|