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Election à l'Opéra

Paris
Opéra Bastille
04/10/2007 -  et les 13, 17, 20, 24 & 26 avril, les 6 & 10 mai
Giuseppe Verdi : Simon Boccanegra
Dmitri Hvorostovsky (Simon), Franz Josef Selig (Fiesco), Olga Guryakova (Maria), Stefano Secco/Evan Bowers (26 avril, 10 mai) (Gabriele), Franck Ferrari (Paolo), Nicolas Testé (Pietro), Jason Bridges (Un héraut)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, James Conlon (direction)
Johan Simons (mise en scène)

Un corsaire élu doge dans des conditions douteuses, devenu le chantre de l’union sacrée entre les partis, avant de mourir empoisonné par celui qui l’a fait élire parce qu’il lui refuse sa fille : en programmant cette reprise de Simon Boccanegra au moment de la campagne présidentielle, Gérard Mortier ne se montre-t-il pas quelque peu facétieux ? D’autant plus que Johan Simons propose avant tout une lecture politique de l’opéra de Verdi, dans une production initialement inscrite dans le contexte des élections italiennes, avec affiches électorales géantes intégrées au décor, et qui se trouvait venir après l’affaire du CPE, largement évoquée par les photos du programme.
Que reste-t-il de tout cela aujourd’hui ? D’abord, les trois immenses rideaux de lamé délimitant la scène, qui scintillent comme la mer et, selon les circonstances, ont les couleurs des factions rivales – gris pour les patriciens, orange pour les plébéiens –, et finissent, il faut bien le dire, par fatiguer les yeux. Réduit à une estrade surmontée de l’affiche, le décor ne convainc pas plus que l’année passée. Et si elle témoigne d’un incontestable professionnalisme, la mise en scène proprement dite ne va guère au-delà de la convention, semble même assez superficielle, n’imposant jamais aux chanteurs ce travail approfondi qui faisait tout le prix de la fameuse production de Giorgio Strehler, les laissant beaucoup trop livrés à eux-mêmes. Johan Simons paraît surtout intéressé par les conflits et les tensions entre les conservateurs et les réformistes, entre les gouvernants et un peuple qui s’agite derrière les rideaux, victime des querelles de factions, surgissant parfois sur la scène pour se faire entendre, poings brandis. Mais il néglige trop la dimension intimiste de l’œuvre qui, comme souvent les opéras politiques de Verdi, est aussi une histoire de famille, où se joue une fois de plus le drame de la paternité.


Cela dit, le problème de cette reprise, c’est plutôt l’hétérogénéité de la distribution. Dmitri Hvorostovsky, avec sa dégaine d’oligarque de la nouvelle Russie, a une présence impressionnante, plus crédible d’ailleurs en doge autoritaire qu’en doge magnanime. Le timbre est un peu gris, le legato un peu sommaire, l’aigu un peu poussé, l’émission un peu laryngée, mais le chant est soutenu, la ligne noble, l’expression juste. Autant il montre que l’école russe n’est pas incompatible avec le répertoire italien, autant Olga Guryakova en incarne ici les pires défauts. L’air d’entrée s’avère d’emblée calamiteux, pâtissant d’une émission lourde, d’un souffle mal maîtrisé, de registres mal soudés, d’une incapacité à galber un phrasé. Il est certes difficile, exigeant un legato éthéré, mais la suite ne montrera pas la chanteuse sous un meilleur jour, sa technique défaillante lui interdisant toute nuance et mettant ses aigus en péril. Malgré sa belle voix et ses graves profonds, Franz Josef Selig, lui, a surtout des problèmes de style, visiblement égaré dans un univers qui n’est pas le sien. C’est à Stefano Secco, déjà très applaudi il y a un an, qu’il revient de rappeler ce qu’est le chant italien : il n’a pas la plus belle voix du monde, il n’est pas l’interprète le plus raffiné qui soit, mais la voix se projette parfaitement et on entend enfin du Verdi. N’oublions pas non plus Franck Ferrari, Paolo haineux et frustré, stylé et concentré dans ce rôle de salaud où on peut être tenté d’en faire beaucoup et n’importe comment, ni Nicolas Testé, excellent Pietro.
James Conlon et l’orchestre de l’Opéra sont visiblement heureux de se retrouver, à en juger par les applaudissements que lui réservent les musiciens au moment des saluts. On regrette seulement des décalages trop fréquents entre la fosse et la scène, surtout au premier acte : toute en souplesse, la direction fait admirablement chanter les pupitres, créant des atmosphères, notamment au début du Prologue et dans l’introduction du premier acte, où on croit entendre le murmure de la mer traverser le soir, préservant justement cette dimension intimiste qui échappe au metteur en scène hollandais, sans pour autant oublier le théâtre dans les grandes scènes d’ensemble.



Didier van Moere

 

 

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