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Gergiev l’excessif

Paris
Salle Pleyel
04/01/2007 -  et 29 (London), 31 (Toulouse) mars 2007
Igor Stravinski : Symphonies d’instruments à vent – Le Sacre du printemps
Claude Debussy : La Mer – Prélude à l’Après-midi d’un faune

London symphony orchestra, Valery Gergiev (direction)



Après Melbourne/Caetani, Paris/Eschenbach et Philhar’/Chung, la quatrième (!) apparition du Sacre du printemps cette saison dans la capitale venait conclure un programme évoquant un quart de siècle d’échanges entre Stravinski et Debussy, dont Pierre Boulez n’aurait pas renié la conception, même si, comme on le verra, la comparaison s’arrête là. Ce concert marquait en même temps la dernière des trois sessions de la «résidence» de l’Orchestre symphonique de Londres Salle Pleyel: après Bernard Haitink et le nouveau «président» de l’orchestre, Colin Davis, c’était ainsi le tour de Valery Gergiev, principal conductor depuis le 1er janvier dernier.


La prestation du chef et de l’orchestre conduit cependant à se demander si cette boulimie d’activités en tous genres – Gergiev n’ayant semble-t-il renoncé à aucune de ses nombreuses autres charges, qu’elles soient symphoniques (Rotterdam), opératiques (Mariinski, où ses fonctions artistiques se doublent de responsabilités administratives, et Met), festivalières (Mikkeli, Moscou, Rotterdam, Saint-Pétersbourg) ou discographiques – ne finit pas par trouver ses limites. Limites, d’emblée, chez une phalange londonienne pourtant réputée pour sa discipline et sa capacité à s’adapter avec efficacité et rapidité, qui pourraient fonder son appartenance expressément revendiquée, dans son propre texte de présentation, à un hypothétique club des «cinq meilleures du monde». La mise en place des Symphonies d’instruments à vent (1920) permet hélas d’en douter, même si la fusion des timbres dans l’énoncé final du choral force l’admiration. Quant à Gergiev, il préfère, plutôt que d’emprunter la voie néoclassique qui s’ouvre ici chez Stravinski, mettre en lumière la parenté avec le Sacre que Debussy, dédicataire de cet hommage in memoriam, qualifiait dans un mélange d’admiration et d’ironie de «musique sauvage avec tout le confort moderne».


En matière de confort, La Mer (1905), également plus soucieuse de sonorités que d’exactitude, n’aura certes pas déçu. Bridant de façon assez surprenante le propos, Gergiev ne ménage pas de progression dans De l’aube à midi sur la mer, qui tient même plutôt de l’engourdissement. Tout au long de ces trois «esquisses» qu’il enchaîne sans interruption, il privilégie l’hédonisme sur l’élan et il ne fallait donc pas attendre la mise en valeur de la modernité et de l’actualité de cette musique, mais bien davantage une célébration de l’instant. Une (absence de) vision évidemment tout sauf idiomatique, mais qui traduit sans doute dans une volonté de se placer dans la descendance du dernier Karajan, pour n’en retenir hélas que les éléments les plus extérieurs.


Les orchestres britanniques ne cesseront jamais de surprendre, se déplaçant en France avec un guest leader (premier violon solo invité) mais surtout, phénomène encore plus rare, avec une flûtiste au statut de guest principal (premier solo invité)… pour donner le Prélude à l’Après-midi d’un faune (1894). A nouveau, sur un imposant tapis de cordes, le souci de finition des couleurs l’emporte sur toute autre préoccupation, en particulier d’ordre dynamique ou agogique.


L’après-midi se conclut sur un Sacre du printemps (1913) extrêmement contestable. La forte accentuation des contrastes de tempi, pour spectaculaire qu’elle apparaisse parfois, procédant par effet de surprise, ne procure cependant qu’un maigre profit: non seulement le déroulement en devient excessivement décousu, mais les pages rapides ne gagnent nullement en tension tandis que les sections lentes, capiteuses à souhait, lorgnent de façon très inhabituelle vers Shéhérazade. Quant aux fluctuations plus ponctuelles du mètre, elles sidèrent quant à leur principe, appliquées une partition dont l’implacabilité et la régularité du rythme devraient pourtant constituer l’un des éléments essentiels. Il en va de même de la longueur démesurée de certains silences, notamment celui qui précède l’accord final, ou de la portée surdimensionnée conférée à des détails comme la note tenue des tubas ténors à l’extrême fin de la première partie – étrangement rebaptisée Le Baiser de la terre dans les notes distribuées au public, la seconde devenant Le Grand sacrifice – ou tel glissando des trombones dans la Danse sacrale. Une direction peut-être instinctive, mais avant soucieuse d’effets, qui réjouit sans nul doute ses aficionados et que les musiciens ont eu, pour le coup, bien du mérite à suivre.



Simon Corley

 

 

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