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Du bon boulevard musical Paris Opéra comique 03/31/2007 - et 1er, 3 et 4 avril 2007 Gian Carlo Menotti : Le Téléphone – Amelia al ballo
Katia Velletaz (Lucie), Benoît Capt (Ben), Brigitte Hool (Amelia), Marc Mazuir (Le mari), Davide Cicchetti (L’amant), Graziela Valceva Fierro (L’Amie), David-Alexandre Borloz (Le commissaire de police), Prune Guillaumon, Katja Trayser (femmes de chambre)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Ensemble orchestral de Paris, Véronique Carrot (chef de chœur), Bruno Ferrandis (direction musicale)
Eric Vigié (mise en scène et décors), Ecole de couture de Lausanne, Vaud (costumes), Henri Merzeau (lumières)
A l’image de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris, l’Opéra de Lausanne a mis sur pied l’EnVOL («Ensemble vocal de l’Opéra de Lausanne»), destiné à favoriser les premiers pas de jeunes chanteurs professionnels. Présentés dans ce cadre en novembre dernier (voir ici) et désormais repris pour quatre représentations à l’Opéra Comique, les deux opéras-bouffes en un acte illustrent particellement l’art de Gian Carlo Menotti: disparu le 1er février dernier à l’âge de quatre-vingt-quinze ans, le compositeur américain d’origine italienne a en effet acquis dans l’immédiat après-guerre une formidable renommée internationale en écrivant également dans un registre plus sombre, avec, toujours sur ses propres livrets, Le Medium et Le Consul.
Brève pochade (vingt minutes), Le Téléphone (1947), donné ici en version française, est sous-titré L’Amour à trois. C’est qu’avec Lucie, cet appareil géant, qui tient symboliquement le centre d’un décor par ailleurs tournant et dont le combiné doré atteint lui aussi une taille déraisonnable, se révèle un compagnon bien encombrant, empêchant Ben de lui faire sa déclaration de mariage… autrement que par téléphone. Accompagnés par un petit ensemble instrumental dans lequel le piano tient une place de choix, les deux protagonistes, Katia Velletaz et Benoît Capt, déploient toute l’énergie requise, compensant ainsi parfois quelques approximations vocales.
Un ménage à trois plus classique tient lieu d’intrigue dans Amelia al ballo (1937), qui fait succéder aux années 1940 façon Capra ou Hawks l’univers des comédies italiennes… «à téléphones blancs». Le propos n’en reste pas moins comparable, car, à défaut d’être très féministe, l’action marque à nouveau la victoire de l’héroïne: sa monomanie aura raison de tout et de tous: elle ira au bal, quitte pour ce faire à estourbir son mari, à dénoncer son amant innocent et à ne trouver d’autre galante compagnie que celle du commissaire de police.
Plus ambititieux par sa durée (cinquante-cinq minutes) et par son instrumentation, ce qui pose d’ailleurs des problèmes de projection pour certaines voix, l’œuvre fait entrer en jeu cette fameuse touche «puccinienne» que l’on prête toujours à Menotti. Admettons-le sans peine, car les airs d’Amelia et de son amant en témoignent effectivement, mais bon nombre d’influences néoclassiques, italiennes (de Rossini à Wolf-Ferrari) ou non (Poulenc, Stravinski), ne sauraient être négligées pour autant. La distribution est ici dominée par l’aisance vocale et scénique de Brigitte Hool en Amelia, d’autant que les autres chanteurs manquent de précision et de puissance, à l’exception du commissaire de David-Alexandre Borloz: les deux vainqueurs de la farce…
La direction d’acteurs trépignante et les décors – qu’ils soient d’une atemporelle grisaille new-yorkaise ou d’une éclatante couleur méditerranéenne – d’Eric Vigié rendent justice au caractère pimpant et animé des deux pièces. Le «boulevard» a ses charmes et, comme au théâtre, pourquoi n’y en aurait-il pas du bon en musique?
Simon Corley
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