About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Déserts désertiques

Paris
Cité de la musique
10/10/1998 -  
Wolfgang Rihm : Form/Zwei Formen
Edgar Varèse : Déserts
Marc-André Dalbavie : Seuils

Rié Hamada (soprano)
Ensemble Intercontemporain, Patrick Davin (direction)

L'oeuvre d'Edgar Varèse (1883 - 1965) n'a pas fini de fasciner les compositeurs, de garder sa valeur de référence fondatrice capable d'inspirer ou de constituer un modèle à imiter chez les créateurs d'aujourd'hui. Personne n'a encore "dépassé" Varèse, sa musique n'est pas encore "datée" et voisine sans problème avec les compositions actuelles. Voulant s'y référer explicitement, Wolfgang Rihm a choisi de prendre la dernière pièce achevée du compositeur français naturalisé américain, Déserts (1954), comme modèle en ce qui concerne l'effectif instrumental (bois, cuivres et percussions dont il retranche le piano pour ajouter une contrebasse) et son écriture accidentée et éruptive. Form/Zwei Formen (1994), donné en création française, concentre l'action de Déserts en accentuant le déchaînement des énergies, qui partent ici toujours des instruments les plus graves, en multipliant les confrontations d'instruments dans les fortissimos, en accélérant le flux musical et, par-là même, en abandonnant le hiératisme de son modèle. Du grand Rihm et un bel hommage à un compositeur maudit en son temps. L'exécution de Déserts qui suivi répondit comme un écho, plus vaste et plus grave, à la pièce de Rihm. Entre parenthèses, on ne manquera pas de s'étonner de la mauvaise habitude de l'Ensemble Intercontemporain, initiée par Pierre Boulez, de jouer l'oeuvre sans les passages pour bande électronique, répondant par-là, par un bizarre détour, aux imprécations de ceux qui l'avaient copieusement sifflée lors de la création. Manifestement, ces "interpolations" gênent encore aujourd'hui. Est-ce parce que cette bande géniale rend anecdotique une grande partie des réalisations de l'Ircam et de l'EIC qui bénéficient pourtant moyens techniques bien supérieurs ? Sans doute. Mais le problème n'est pas là, la comparaison ne tient pas, justement parce que les moyens mis en oeuvre sont tellement différents. Ce sont tout simplement deux époques différentes, comme on pouvait en juger par le travail subtil et intelligent de Marc-André Dalbavie concernant le temps réel (l'électronique diffuse une séquence programmée en réagissant à ce que fait l'interprète et non pas de façon automatique) et la spatialisation (le son se propage dans les différents haut-parleurs), deux techniques inconnues au temps de Varèse. Intervenant en écho, en extension ou en dissipation du geste instrumental ou vocal, l'électronique étend et sculpte les frontières virtuelles de l'orchestre et de la voix. Il n'y a pas juxtaposition, comme chez Varèse, mais parfaite symbiose. La voix, sublime et aérienne de la soprano Rié Hamada, constitue le corps central et charnel, très lyrique par moments, d'une musique toujours très riche où l'orchestre, traité globalement ou par pupitre mais sans solos, dessine des trames multicolores fascinantes. De grande ampleur (45 minutes) et révélant un vrai talent d'écriture et de construction, Seuils (1992) s'impose comme un jalon important de la création musicale. La direction attentive et impliquée de Patrick Davin mis en valeur toutes les facettes d'une soirée musicale passionnante.



Philippe Herlin

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com