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Sanguin et généreux Paris Sorbonne (Amphithéâtre Richelieu) 03/16/2007 - Georges Enesco : Sonate pour violon et piano n° 2, opus 6
Johannes Brahms : Sonate pour violon et piano n° 1, opus 78
Sarah Nemtanu (violon), Jérôme Ducros (piano)
Dans la droite ligne d’une programmation associant toujours «œuvres phares» et «œuvres rares», ce récital proposé dans le cadre des «Concerts du midi» de la Sorbonne débutait par la Deuxième sonate pour violon et piano (1899) d’Enesco. Une partition injustement négligée – tout est relatif… – par rapport à l’exceptionnelle Troisième, dont elle ne possède certes ni les audaces ni la manière si personnelle de transfigurer l’élément folklorique, mais qui n’en constitue pas moins une grande réussite, surtout de la part d’un compositeur âgé de seulement dix-huit ans: non seulement il y voyait lui-même non sans raisons valables sa première grande réussite, mais il y fait preuve d’une concision qu’il abandonnera ensuite, pour un temps, au profit de formes beaucoup plus complexes et développées.
Certes, les maîtres sont toujours là – dans une inhabituelle succession de Brahms (premier thème de l’Assez mouvementé initial) et de Fauré (autre thème de ce mouvement) – mais elle traduit déjà un fort attachement aux racines nationales, que ce soit par ses chants populaires (Tranquillement central), ses harmonies ou ses formules d’accompagnement parfois visiblement inspirées du cymbalum. Quant au Vif final, joyeuse joute entre les deux instruments, la présentation de Jean-Pierre Bartoli fait bien ressortir en quoi elle annonce même le côté sec et rythmé d’un Prokofiev.
Qualifiant le tempérament roumain de «sanguin et généreux», Sarah Nemtanu, premier violon solo de l’Orchestre national de France, remonte avec enthousiasme à ses racines, accompagnée de façon très sûre par Jérôme Ducros. Mais la Première sonate (1879) de Brahms – qu’Enesco rencontra lors de ses études à Vienne, avant de rejoindre Paris – bénéficie du même traitement: chaleureux, revigorant, pris à bras-le-corps, ce Brahms descendu de sa tour d’ivoire de continuateur de la grande tradition fait le plus grand bien.
S’y ajoute l’intéressant éclairage de Jean-Pierre Bartoli, qui rappelle comment, au-delà de la simple citation du Regenlied, antérieur de six ans, dans l’Allegro molto moderato conclusif que Clara Schumann souhaitait voir interprété pour ses obsèques, son rythme pointé envahit les deux autres mouvements. Entre nostalgie et remémoration, il en verrait bien un avatar de la Sonate de Vinteuil, même s’il pense que Proust ne la connaissait pas: cela étant, l’indisposition d’un spectateur après le premier mouvement, heureusement passagère et apparemment sans conséquence, due à la chaleur étouffante qui régnait dans l’Amphithéâtre Richelieu, vient évoquer un autre épisode de la Recherche, le malaise éprouvé par Bergotte après avoir revu Vermeer…
Simon Corley
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