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Ambitions tchèques

Paris
Centre tchèque
03/03/2007 -  et 23, 24 février 2007 (Poitiers)
Vojtech Saudek : Memnon cili o lidske moudrosti (arrangement Michel Berthommier)

Philippe Eyquem (Memnon), Pauline Texier (La belle jeune dame), Elsa Lalet (L’esprit), Pauline Parneix (La vieille dame), Perrine Cutzach, Marjorie Malite, Lucie Mousset, Malvina Vershaeve (Le fou), Christophe Bouillet (L’oncle/Un domestique du juge), Nicolas Lafitte (Le premier ami/Le valet/Le gouverneur), Romain Bessuges-Meusy (Le second ami/Le satrape)
Orchestre du CNR de Poitiers, Eric Sprogis (direction)


Le département Musicologie de l’UFR Sciences humaines et arts de l’Université de Poitiers a mis sur pied à la rentrée dernière une licence professionnelle «Métiers de l’art lyrique et du théâtre chanté» s’adressant à tous ceux qui, se préparant à exercer tôt ou tard l’un des métiers de la musique (chant, pratique instrumentale, direction d’orchestre, musicologie, enseignement), souhaitent se frotter concrètement à toutes les disciplines de l’art lyrique et du théâtre chanté. En association avec le Conservatoire national de région (CNR), dix étudiants qui suivent actuellement cette licence professionnelle ont ainsi constitué l’essentiel de la distribution vocale de Memnon ou la sagesse humaine (1987) de Vojtech Saudek, donné à deux reprises à Poitiers dans une mise en scène de Philippe Godefroid (1987): un spectacle dont on comprend aisément que le Centre tchèque ait souhaité le «faire monter» à Paris pour une version de concert.


Né à Prague en 1951, Saudek, comme Martinu et au même âge que lui, s’est tourné vers la France, où il a étudié à partir de 1983 avec Reibel puis Murail, avant de s’y installer. Disparu prématurément, le 13 septembre 2003, il laisse un catalogue qui n’a négligé aucun genre, s’étant par ailleurs attaché à la diffusion de l’œuvre de Gideon Klein, l’un de ces artistes «dégénérés» que le régime nazi déporta à Terezin avant de l’assassiner. Petit-neveu de Kafka (par sa mère) et fils d’Erik Saudek, notamment connu pour ses traductions de Shakespeare en tchèque, le compositeur a lui-même élaboré le livret de son Memnon: à l’adaptation du conte de Voltaire, il a habilement mêlé des extraits empruntés à des auteurs appartenant à différentes époques, tels Shakespeare, Calderon ou Baudelaire.


Chacun des trois premiers actes, commenté par un fou d’inspiration shakespearienne, montre successivement les désillusions subies par Memnon dans sa résolution de renoncer aussi bien aux femmes qu’à la boisson ou à l’argent, mais au quatrième acte, un esprit venu d’une autre étoile vient l’éclairer sur la vanité de cette recherche de la sagesse, la conclusion venant révéler que tout ce qui a précédé n’était qu’un songe. Dépassant à peine l’heure, cet opéra de chambre n’a sans doute jamais autant mérité son nom que dans la salle Janacek, même utilisée dans une configuration différente de celle habituellement en usage, de telle sorte que le Centre tchèque sera contraint d’en refuser l’accès à quelques spectateurs. Pour ceux qui ont eu la chance de pouvoir entrer, l’accueil n’en est pas moins soigné, le texte intégral (chanté en tchèque ou dit en français) et sa traduction étant distribués au public.


Car c’était là l’occasion véritablement unique de découvrir une musique d’une grande efficacité dramatique, dont le langage, un peu comme celui du dernier Chostakovitch, fait fi des cloisonnements rigides entre tonalité et atonalité pour utiliser, dans une large palette de moyens, ceux qui conviennent le mieux aux différentes situations: prélude à la Glass, simple chanson populaire accompagnée par les seules cordes, scène à boire jazzy, esprit caustique à la Schulhoff, tout est ici possible et, bien loin de susciter une sensation de dispersion et d’hétérogénéité, cette diversité sert parfaitement une action aux climats très contrastés.


Eric Sprogis et dix-huit tout jeunes musiciens du CNR, dont il est par ailleurs le directeur, interprètent un arrangement réalisé par Michel Berthommier: trois saxophones et deux pianos ont semble-t-il remplacé basson, cuivres, harpe et célesta, mais l’ensemble sonne cependant de manière convaincante. Côté vocal, le seul «professionnel», la basse Philippe Eyquem, par ailleurs membre du Chœur de Radio France, s’impose avec brio dans l’écrasant rôle-titre, tour à tour bonhomme et accablé; les étudiants, quant à eux, ne se destinent pas tous à une carrière de chanteur, et cela s’entend. Mais leurs prestations, dont la difficulté est accrue par l’usage du tchèque, ont visiblement été très travaillées, leur engagement dans ce projet fait plaisir à voir, à l’image de ces pages «chorales» d’une belle cohésion, et certain(e)s d’entre eux font déjà preuve de qualités prometteuses, comme Elsa Lalet en Esprit ou bien Pauline Texier en Belle jeune dame.


Une intéressante découverte qui doit inciter le Centre tchèque à rechercher, pour certaines de ses manifestations, des lieux qui soient davantage à la hauteur de ses ambitions.


La licence professionnelle «Métiers de l’art lyrique et du théâtre chanté» de l’Université de Poitiers



Simon Corley

 

 

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