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Multiplicité Paris Maison de Radio France 02/17/2007 - Thomas Adès : Brahms, opus 21
Benoît Mernier : An die Nacht
Michel Fourgon : Filigranes (création)
Pascal Dusapin : Exeo, solo pour orchestre n° 5
Laure Delcampe (soprano), Thomas Bauer (baryton)
Orchestre Philharmonique de Liège, Pascal Rophé (direction)
Voici le type même du concert de grande qualité auquel le Festival Présences nous a habitué : audacieux et original, aventureux et enthousiasmant.
C’est une œuvre de Thomas Adès, fil d’Ariane de cette édition 2007 (voir ici), qui démarrait le programme. Brahms met en musique un poème écrit par … Alfred Brendel racontant les apparitions malodorantes et bruyantes, mais fort peu effrayantes du fantôme de Brahms. Comme souvent, le compositeur anglais a recours non pas à des citations mais à des allusions très fines des œuvres et des maîtres anciens auquel il fait référence. On retrouve ainsi les intervalles du thème du premier mouvement de la Quatrième Symphonie ainsi que de ses effets d’orchestration. La partie de baryton, solidement tenue par Thomas Bauer, est à l’image de son auteur : souriante et intelligente. Une pièce courte qui montre bien la maîtrise d’Adès pour assimiler et transcender différents styles musicaux tout en y ajoutant sa propre touche.
Nous restons dans un climat proche de l’Allemagne avec An die Nacht du compositeur belge Benoît Mernier. L’œuvre est un poème symphonique avec soprano colorature sur un texte de Novalis. Les couleurs orchestrales sont ici plus naturellement celles des brumes du Nord que les détournements d’Adès. Le compositeur cherche des textures et une certaine tension qui en fait l’héritier des expressionnistes allemands et de son professeur Philippe Boesmans. L’orchestre est subtil, très fin avec des superbes solos de bois. L’esprit et l’art d’Alban Berg ne sont pas très loin et la tessiture de la soprano n’est pas sans rappeler celle du Lied der Lulu. Laure Delcampe se tire avec les honneurs d’une partie très difficile et si exposée.
Michel Fourgon nous offre des couleurs plus tranchées avec Filigranes. Il s’agit d’une œuvre exigeante pour l’orchestre, mettant tous les musiciens à contribution. Si son architecture et sa thématique sont plus difficiles à saisir que celle des autres œuvres de ce concert, il faut retenir un art à la Hindemith de faire passer de façon incessante le matériau musical d’un pupitre à l’autre.
Véritable apothéose de cette soirée, Exeo de Pascal Dusapin est une œuvre aux couleurs orchestrales très fortes, une suite de vagues pleines de tension, alternant de longues tenues par les cordes et vents et architecturée en un long decrescendo. La sonorité de l’orchestre nous rappelle que Dusapin a été organiste, cordes et cuivres nous évoquant des effets de pédale et de longues notes tenues. L’écriture souvent divisée des cordes est particulièrement réussie. Un vrai chef d’œuvre qui devrait faire partie du répertoire de base de tous les orchestres.
Même si la tradition des concerts du Festival Présences est de mettre l’accent sur les compositeurs, il faut rendre justice aux interprètes. L’Orchestre Philharmonique de Liège, qui fait maintenant partie des ensembles qui se produisent régulièrement à Paris, confirme ses qualités. Le son est homogène avec de solides solistes et les cordes font preuve de belles couleurs que certains ensembles parisiens pourraient leur envier. Dirigeant sans baguette, Pascal Rophé, le nouveau directeur musical de cet orchestre, fait preuve d’une présence et d’une réelle autorité qui en disent long sur le talent et le potentiel de celui qui a été l’assistant et de Pierre Boulez et de David Robertson. Le flambeau ne serait-il pas en train de changer de main ?
Antoine Leboyer
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