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Dédicaces embarrassantes

Paris
Palais Garnier
02/10/2007 -  
Hector Berlioz : Harold en Italie, opus 16
Anton Bruckner : Symphonie n° 3 (version de 1873)

Laurent Verney (alto)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Eliahu Inbal (direction)


En un copieux programme, l’Orchestre de l’Opéra national de Paris associait deux partitions dépourvues de parenté esthétique mais partageant le statut de dédicace embarrassante: inspiré par Paganini, Harold en Italie (1834) de Berlioz fut rejeté par son destinataire, la création en étant finalement assurée par Chrétien Urhan; quant à Bruckner, confit en dévotion devant Wagner, il parsema sa Troisième symphonie (1873) de leitmotifs tirés de ses opéras, mais lorsqu’il vint présenter tout tremblant sa partition au maître, celui-ci lui demanda de supprimer ces citations. Dix ans plus tard, Bruckner lui rendra un ultime hommage (posthume) dans l’Adagio de sa Septième symphonie.


Symphonie «avec alto principal» et non pas concerto, Harold en Italie constitue généralement l’occasion de mettre en valeur le premier pupitre de l’orchestre: après Pierre Lenert en juin 2003 (voir ici), c’est l’autre alto solo de l’Opéra qui était ainsi à l’honneur, Laurent Verney, qui a d’ailleurs enregistré l’œuvre avec cette formation pour Deutsche Grammophon. Plus extérieur et virtuose que son collègue, se mettant davantage en avant, Verney incarne un Harold qui dit fermement «je» face à l’orchestre. Eliahu Inbal, qui, de son côté, en a également laissé un bel enregistrement avec Youri Bashmet chez Denon, contrecarre tout romantisme débridé par un magnifique sens de la construction: l’Allegro final, qu’il n’enchaîne hélas pas immédiatement au mouvement précédent, n’est certes pas très frenetico et l’on se situe plus près de Colin Davis que de Charles Münch, mais l’ensemble conserve une parfaite tenue stylistique de la première à la dernière mesure.


L’Opéra de Paris à l’heure brucknérienne? La chose n’est pas si surprenante puisqu’on a déjà pu y entendre en mai dernier une Quatrième «Romantique», intéressante mais peu idiomatique, sous la direction de Sylvain Cambreling (voir ici). Bien connu en tant que mahlérien, Inbal – qui est redevenu directeur musical de la Fenice à la suite du décès de Marcello Viotti mais qui, contrairement à ce qu’indique la notice distribuée au public, n’est plus Chefdirigent du Berliner Sinfonieorchester (celui de Kurt Sanderling, devenu depuis août 2006 «Konzerthausorchester Berlin») – possède une expérience tout aussi importante dans Bruckner, dont témoigne encore tout récemment à Paris la Septième (voir ici). Et c’est faire preuve d’une véritable passion pour le compositeur que de choisir la version originale de la Troisième symphonie, qu’il est d’ailleurs l’un des rares à avoir gravé.


Par rapport à l’édition Nowak de 1889, généralement de mise, les différences portent moins sur le Scherzo que sur l’Adagio, presque méconnaissable, ou sur les mouvements extrêmes, plus développés. A l’image de la Neuvième symphonie de Beethoven ou… de Harold en Italie, le Final cite ainsi les thèmes des mouvements précédents, juste avant l’affirmation en majeur du thème qui ouvrait, en mineur, la symphonie. Il est passionnant de pouvoir bénéficier ainsi du premier état – certainement ambitieux, sans doute trop ambitieux – du travail de Bruckner.


La différence la plus immédiatement perceptible tient à ce qu’au fil des révisions, une dizaine de minutes ont été supprimées. Moins concentrée, la première version présente donc un plus grand risque de «tunnels», mais Inbal évite cet écueil en animant sans cesse le discours: encourageant sans cesse les musiciens de la voix, il enchaîne les mouvements presque sans interruption et, surtout, adopte des tempi rapides, voire précipités (Trio du Scherzo). Cela étant, le Moderato initial et Adagio sont bien marqués respectivement con moto et quasi andante. En ce sens, si elle n’est pas particulièrement métaphysique, cette approche se veut avant tout claire dans sa mise en valeur de la polyphonie et dramatique dans son déroulement, rendant justice à un propos marqué par les silences et les ruptures, bien plus abrupt que celui de la version finale. D’une cohésion remarquable, l’orchestre se plie au jeu, même s’il est dommage que les huit cors, six trompettes et quatre trombones requis aient tendance à écraser les cordes dans les tutti.



Simon Corley

 

 

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