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Don Giovanni annexé par Michael Haneke

Paris
Opéra Bastille
01/20/2007 -  et les 20, 24, 27, 29 & 31 janvier, les 2, 5, 14 & 17 février
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni
Peter Mattei (Don Giovanni), Mikhail Petrenko (le Commandeur), Christine Schäfer, Carmela Remigio (24, 27 & 31 janvier, 2 & 5 février) (Donna Anna), Shawn Mathey (Don Ottavio), Arpiné Rahdjian (Donna Elvira), Luca Pisaroni (Leporello), David Bizic (Masetto), Aleksandra Zamojska (Zerlina)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, Michael Güttler (direction)
Michael Haneke (mise en scène)

Un dramma giocoso ? Certainement pas pour Michael Haneke, qui nie toute la dimension buffa du Don Giovanni mozartien. La frénésie du séducteur n’a d’égal que son dégoût suicidaire de la vie. Jeune directeur général d’entreprise, il forme avec son jeune collaborateur Leporello un étrange tandem, ou plutôt un étrange couple, où ce dernier n’est que le reflet, mimétique et fasciné, de son modèle – habillés quasiment de la même façon, ils n’ont guère de mal à se faire passer l’un pour l’autre. Ce n’est pas cela qui nous gêne. Ni que tout se passe dans une tour de la Défense, entre une baie vitrée, des bureaux et des ascenseurs. Ni que Donna Anna, fille à papa lui aussi dirigeant d’entreprise, prenne peut-être du plaisir, sous son tailleur strict, avec la bête de sexe. Ni que Donna Elvira noie dans la bouteille son chagrin de provinciale plaquée et qu’à la fin elle poignarde le traître. Ni que Zerline et Masetto fassent partie de l’équipe de nettoyage. Ce qui nous gêne, c’est l’insupportable lenteur du spectacle, avec ces récitatifs sans fin, ralentis encore par des silences appuyés – on se dit finalement que les Noces salzbourgeoises de Nikolaus Harnoncourt et Claus Guth n’étaient ni si lentes ni si tristes.
Ce qui nous gêne, c’est le décalage entre cette sinistre tragédie de l’érotisme des temps modernes avec la partition de Mozart. Quand le public rit, ce n’est pas à cause mais en dépit de ce qu’il voit, parce qu’il lit les surtitres. Ce qui nous gêne, c’est le côté didactique de la production, qui ressemble plus à un essai qu’à une mise en scène – merci, Herr Haneke, nous avons bien compris le côté rituel sacrificiel du finale, avec la défenestration du cadavre qu’on devine mutilé, nous avons bien compris aussi pourquoi la scène, jusque là plongée dans la pénombre de l’inavoué et de l’animal, s’éclaire tout d’un coup avec le châtiment du dissoluto. On aura beau nous parler d’une tension qui ne faiblit pas, d’une direction d’acteurs au carré, de chanteurs jouant parfaitement leur rôle, nous ne marchons pas. Pas du tout.
Il faut dire que la production, qui avait été présentée l’année dernière à Garnier, aurait besoin d’une direction plus théâtrale que celle de Manfred Güttler, très soignée, très équilibrée, mais trop sage, plus soucieuse de souplesse que de force, source d’un second décalage, cette fois entre la scène et la fosse, où les départs de l’orchestre, après les pauses, se font attendre. Heureusement, il y a Peter Mattei et Luca Pisaroni. Le premier est Don Giovanni, tout simplement, carnassier, en perpétuel défi, à lui-même, aux autres ; il l’est tellement qu’on lui pardonne de ne pas nuancer beaucoup – dans la Sérénade, il chante forte ou il détimbre. Le second n’a évidemment plus rien du valet, il a même une autorité, une insolence vocales qui en font bien cette doublure de Don Giovanni voulue par le metteur en scène – de ce point de vue-là, les choses fonctionnent à merveille. Bon Masetto de David Bizic, bon Commandeur de Mikhail Petrenko aussi. L’Ottavio de Shawn Mathey convainc moins : plus convenu, moins stylé, pas très souple d’émission, trop uniforme dans l’expression.
On ne niera pas les qualités mozartiennes de Christine Schäfer, notamment dans le si difficile « Non mi dir », mais force est de convenir que le médium reste creux et que ce qu’on entend se limite à l’octave – on frémit à l’idée de la voir en Violetta. On avait remarqué cet été, dans le Roi Pasteur de Salzbourg, qu’Arpiné Rahdjian avait la vocalise laborieuse : les choses ne se sont guère améliorées, la chanteuse ayant du mal à maîtriser une voix trop lourde pour le rôle, qui n’arrive pas à trouver le chemin de la phrase mozartienne. On leur préfère Aleksandra Zamojska, filet de voix, pas assez central pour Zerline, mais homogène, joliment conduit, non dépourvu de charme.
C’est le Don Giovanni de Michael Haneke. Certainement pas celui de Mozart.



Didier van Moere

 

 

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