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Précocité Paris Théâtre des Champs-Elysées 01/20/2007 - Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor et basson, K. 297b
Gustav Mahler : Das klagende Lied (version originale)
Nora Cismondi (hautbois), Patrick Messina (clarinette), Vincent Léonard (cor), Philippe Hanon (basson), Twyla Robinson (soprano), Iris Vermillion (alto), Endrik Wottrich (ténor), Henk Neven (baryton), Armand Libchaber, Karmin Affreingue (solistes de la Maîtrise de Radio France)
Chœur de Radio France, Matthias Brauer (chef de chœur), Orchestre national de France, Jaap van Zweden (direction)
La Symphonie concertante pour hautbois, clarinette, cor et basson (1778), au regard notamment de celle pour violon et alto, n’appartient probablement pas à ce que Mozart a fait de mieux – son attribution a d’ailleurs pu être considérée comme douteuse – mais elle fournit toujours à un orchestre l’agréable occasion de mettre en valeur ses pupitres solistes. Au-delà des qualités individuelles de ceux du National, c’est cependant leur exceptionnelle entente qui frappe le plus.
La précocité de Mozart, qui avait alors vingt-deux ans, n’étonne plus. Celle de Jaap van Zweden, qu fut premier violon solo de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam à l’âge de dix-neuf ans, surprend en revanche davantage. A quarante-six ans, il est aujourd’hui chef principal et directeur artistique de l’Orchestre philharmonique de la Radio néerlandaise depuis 2005 et il a été désigné comme chef principal de l’Orchestre royal philharmonique des Flandres à compter de septembre 2008. S’il a parfois dirigé en France, notamment à Toulouse (voir ici), il s’agissait ici de sa première apparition dans la capitale. Bien que coupé d’une grande partie de l’orchestre par les solistes disposés en arc de cercle devant lui, il n’en communique pas moins remarquablement avec eux, car cela faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu le National dans un Mozart aussi limpide et inventif.
Une belle interprétation, que l’on doit aussi sans nul doute au souci des musiciens d’offrir un accompagnement soigné à leurs camarades, mais peut-être également au climat de recueillement qui présidait à ce moment. Le corniste Vincent Léonard avait en effet dédié cette première partie de concert à la mémoire de deux personnalités récemment disparues, les 30 septembre et 9 janvier derniers: Georges Barboteu (1924-2006), qui fut son professeur, et le hautboïste Pierre Pierlot (1921-2007), père de Philippe Pierlot, le flûtiste solo de l’Orchestre national de France.
Alors qu’il n’avait pas encore vingt ans, Mahler, ainsi qu’il le constatait lui-même bien des années plus tard, était déjà tout entier dans sa cantate Das klagende Lied (1880): rôle central des contes et légendes germaniques, importance des thèmes populaires, démesure de l’effectif instrumental, comprenant un petit ensemble derrière la scène, et, surtout, originalité du langage et de l’orchestration, qui dérouta les jurys, respectivement présidés par Brahms et par Liszt, auxquels il avait soumis son œuvre. Celle-ci ne fut publiée qu’en 1900, dans une version largement révisée, et créée l’année suivante, au cours de laquelle Schönberg entreprit ses Gurre-Lieder… Mais il est intéressant d’observer la façon dont Mahler, entre-temps, en a réutilisé le matériau dans ses trois ou quatre premières symphonies.
Christoph Eschenbach, voici trois ans à l’Orchestre de Paris (voir ici), s’en était tenu à cette révision effectuée par le compositeur lui-même, dont l’une des principales caractéristiques est de supprimer la première des trois parties, Waldmärchen, soit près de la moitié de la partition. Bien que les musicologues, à commencer par Henry-Louis de la Grange considèrent qu’il faut effectivement respecter la volonté du compositeur, Jaap van Zweden a choisi la version originale, offrant donc une demi-heure de musique supplémentaire qui possède à tout le moins un indéniable intérêt documentaire. Force est toutefois d’admettre que les deux parties finalement conservées par Mahler paraissent plus abouties.
Plus d’une heure durant, la baguette précise, tour à tour concentrée et bondissante, de Jaap van Zweden ne cesse de faire merveille, mais l’élément vocal se révèle moins convaincant: le Chœur de Radio France demeure décidément inégal, les solistes ne passent pas toujours très bien la rampe et, si Mahler avait lui-même prévu de confier les «chants de la flûte» à des voix d’enfants, les deux jeunes issus des rangs de la Maîtrise de Radio France sont à la peine dans leurs interventions.
Simon Corley
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