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Des Noces festives pour la fin de l’année Normandie
Théâtre de Caen
12/19/2006 - et 21, 23 décembre 2006
Wolfgang Amadeus Mozart : Les Noces de Figaro, K. 492
Kevin Greenlaw (Le comte Almaviva), Hiromi Omura (La comtesse Almaviva), Ingrid Perruche (Suzanne), Nicolas Cavallier (Figaro), Diana Axentii (Chérubin), Anna Steiger (Marcelline), Marcos Fink (Bartolo), Avi Klemberg (Don Basilio), Simon Kang (Don Curzio), Jean Ségani (Antonio), Khatouna Gadelia (Barbarina), Anne-Claire Raineri (première dame), Pauline Yon (seconde dame)
Chœur de l’Opéra national de Lorraine, Orchestre de Caen, François-Xavier Roth (direction musicale)
Jean Liermer (mise en scène), Philippe Miesch (décors), Werner Strub (costumes), Jean-Philippe Roy (lumières)
Pour terminer l’année Mozart en Normandie, le Théâtre de Caen a eu la bonne idée de donner les Noces, coproduites avec l’Opéra national de Lorraine. Afin de souligner les tensions sociales de l’œuvre, sous les chassés-croisés amoureux, le metteur en scène Jean Liermer a choisi de transposer l’action « dans les années quarante du siècle passé, à un moment de notre histoire où tout respire le conflit ». Mais rien ne suggère l’Occupation : la salle des domestiques d’un pavillon de chasse coquet dans laquelle se déroule le premier acte évoque plutôt l’ambiance du Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau. Au mur est accroché un portrait du Comte sur lequel Figaro dessine une barbe ridicule pendant l’air Se vuol ballare. Certes, on peut trouver un peu facile cette manière de souligner l’insolence du valet, mais la mise en scène nous réserve de bonnes idées. Ainsi à la fin du premier acte, Figaro coupe les cheveux de Chérubin ; car dans une autre vie (une autre pièce) il a été barbier et à cette occasion s’est déjà montré plus malin que le Comte. Le deuxième acte nous transporte dans la chambre à coucher de la Comtesse. Son mari entre, sûr de lui en costume de chasse, et jette nonchalamment sur son lit un lapin mort. Mais plus loin, alors qu’il cherche à se faire pardonner son attitude, c’est avec un autre lapin qu’il attendrit sa femme : celui en peluche qui se trouvait sur la table de nuit. Le troisième acte se déroule dans les couloirs du pavillon de chasse ; le Comte est en smoking, la Comtesse en robe de soirée et Suzanne essaye sa robe de mariée. C’est dans une cave qu’a lieu le dernier acte pour « la scène des déguisements qui est aussi celles des révélations », alors que la fête est déjà bien avancée. Lorsque Figaro, qui se croit trompé, chante son mépris des femmes, deux ivrognes sont présents sur scène : les hommes ont aussi leurs défauts. Un escalier découvre au loin un morceau de jardin où a lieu le feu d’artifice qui couronne l’ouvrage.
Ingrid Perruche (Suzanne), sacrée révélation artiste lyrique de l’année 2005 aux Victoires de la Musique, et Nicolas Cavallier (Figaro) se révèlent dès le début aussi bons acteurs que chanteurs. Ils savent répondre aux exigences d’une intrigue qui les fait passer par toute une gamme de sentiments, du plaisir naïf de leur duo d’entrée au dépit jamais prolongé (Suzanne dans le sextuor du troisième acte, Figaro au quatrième acte) en passant par «Deh vieni non tardar», air de séduction que Suzanne a tendance à minauder un petit peu. Dès son entrée en robe de chambre au premier acte, Kevin Greenlaw (le Comte) joue sur sa prestance scénique pour arborer un air de supériorité condescendante à l’égard de ses domestiques. Cette attitude distante rattrape un léger manque de puissance vocale. Il a tendance à se laisser couvrir dans les ensembles mais ses récitatifs sont expressifs et mettent bien le texte en valeur. Hiromi Omura (la Comtesse) apparaît fragile au début du «Porgi amor», presque mal assurée, avec quelques aigus hésitants (scène avec Suzanne et Chérubin). Mais alors que l’opéra avance et que son personnage reprend l’initiative de l’intrigue, sa voix se fait plus présente, plus théâtrale aussi : coquette pour la scène de la lettre, superbe et magnanime lorsqu’elle accorde son pardon. La voix jeune, parfois encore un peu verte, de Diana Axentii convient au personnage adolescent de Chérubin. Elle ose des pianos langoureux bien venus dans les récitatifs. A l’instar des rôles principaux, les autres chanteurs campent des figures bien caractérisées. La voix de chacun s’accorde aux qualités et aux défauts de son personnage et tous se révèlent bons acteurs. Cette version des Noces est avant tout un spectacle de troupe, soutenu par un orchestre qui, lui aussi, trouve sa place au sein de l’ensemble. François-Xavier Roth est un chef intéressant dont on appréciera la justesse des tempos. Son ouverture prépare bien au rythme de l’ouvrage, sans chercher à être à tout prix un morceau de virtuosité. Certes, l’accompagnement manque un peu de fièvre dans l’air «Non so più» de Chérubin et la mise en place avec les chanteurs n’est pas toujours irréprochable, mais l’équilibre entre la fosse et la scène est bien dosé.
Chacun, en dépit de ses faiblesses et même grâce à elles, contribue à la réussite globale de ce spectacle, un hymne au théâtre et à la vie idéal pour la période des fêtes.
Thomas Herreng
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