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Chants et danses de la mort

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
12/14/2006 -  
Dimitri Chostakovitch : Suita na slova Michelangelo Buonarotti, opus 145a – Symphonie n° 15, opus 141
Matthias Goerne (baryton)
Orchestre national de France, Bernard Haitink (direction)


La perspective des moments forts que suscite, année après année, la venue régulière de Bernard Haitink à la tête de l’Orchestre national de France aurait dû suffire à remplir le Théâtre des Champs-Elysées, d’autant que l’intérêt de cette soirée était augmenté par la présence de l’un des meilleurs barytons de l’heure, Matthias Goerne, les deux artistes au demeurant ayant déjà été associés voici plus de deux ans à Paris pour interpréter les Kindertotenlieder de Mahler (voir ici). En outre, l’ancien patron du Concertgebouw évoluait ici dans l’un de ses répertoires d’élection, avec deux œuvres de Chostakovitch, dont il avait déjà donné, en ces mêmes lieux, une impressionnante Huitième Symphonie avec le même orchestre en juin et juillet 2005, dans le cadre du cycle triennal organisé par le National autour du centenaire du compositeur, puis une Dixième Symphonie de référence exactement six mois plus tôt avec la Philharmonie de Vienne.


Malgré cette conjonction prometteuse, l’affluence est demeurée en deçà de ce que l’on pouvait en attendre. Est-ce parce que le chef hollandais est apparu souvent dans la capitale au cours des derniers mois, à la tête de diverses formations, comme encore tout récemment l’Orchestre symphonique de Londres? Ou bien cette saison anniversaire dédiée à Chostakovitch commencerait-elle à provoquer une certaine lassitude, alors même que l’un de ses moments-phares, à savoir l’intégrale des quatuors que proposent les Danel à la Salle Cortot du 15 au 17 décembre, est encore à venir? Mais il est vrai que les deux partitions inscrites au programme, assez peu connues et de caractère souvent très sombre, n’avaient sans doute pas le même potentiel d’attraction que la Cinquième Symphonie ou le Premier Concerto pour violoncelle.


Leur rapprochement était pourtant on ne peut plus justifié, tant par leur effectif instrumental comparable – relativement restreint, à l’exception d’un riche pupitre de percussions (jusqu’à neuf exécutants) – que, surtout, par leurs préoccupations communes, d’ordre à la fois personnel et philosophique, à l’approche de la mort, mais dessinant cependant toutes deux, dans leur péroraison tintinnabulante, quelque semblant d’espoir.


Si c’est le côté moussorgskien de Chostakovitch qui s’exprime dans la Suite sur des vers de Michel-Ange (1974/1975), celle-ci ne s’en inscrit pas moins clairement dans la descendance de ses trois dernières symphonies. Hélène Cao, dans les notes de programme, rappelle qu’il y voyait sa Seizième Symphonie, mais toujours est-il qu’il ne lui a pas conféré ce titre. Peut-être parce qu’elle est d’abord née dans une version pour chant et piano; peut-être aussi parce qu’il sentait que ces trois quarts d’heure de musique adoptant généralement des tempi lents, laissant souvent l’unique voix du baryton dans un accompagnement dépouillé qui offre très rares tutti, ne s’élevaient pas tout à fait au même niveau d’inspiration. Haitink, auteur d’une intégrale des symphonies, n’a d’ailleurs pas enregistré cette Suite formée de onze sonnets et poèmes du génie de la Renaissance italienne, traduits en russe.


Matthias Goerne s’acquitte avec humilité et noblesse d’une partie écrasante. Même s’il ne parvient pas à sortir d’une certaine monochromie et si son émission semble parfois voilée, il fait preuve d’une aisance sur l’ensemble de sa tessiture et d’une autorité telles qu’on aura plaisir à le retrouver pour un récital Salle Pleyel le 16 mars prochain avec Christoph Eschenbach, puis à nouveau avec le National dans le War Requiem de Britten à Saint-Denis les 4 et 5 juillet.


Nul débordement, non plus, dans l’orchestre de Haitink, certes tendu et cinglant quand il le faut, quoique pas toujours précis dans ses attaques: cette vision distante se confirme dans une Quinzième Symphonie (1971) excessivement en retrait. Ce n’est pourtant pas l’énergie et le mordant qui lui manquent, mais l’élan, le grinçant, l’ironique et le grotesque. Menée avec un formidable métier, mais trop policée et méticuleuse, cette vision pèche par insuffisance d’ironie dans les mouvements impairs et peine à créer une sensation d’étouffement dans les mouvements pairs, au contraire de ce qu’avait réussi par exemple Claus Peter Flor avec l’Orchestre de Paris en septembre 2005. Les soli de Luc Héry et de Jean-Luc Bourré dans le mouvement lent n’en demeurent pas moins excellents, plus heureux en tout cas que ceux de leur collègue tromboniste.


Toujours aussi apprécié des musiciens et du public, Bernard Haitink sera de retour au Théâtre des Champs-Elysées en juin prochain pour Pelléas et Mélisande de Debussy dans une mise en scène d’André Engel: un opéra dans lequel il a laissé un souvenir éblouissant avec le National, en version de concert (voir ici), souvenir que son édition chez Naïve a également contribué à conserver (voir ici).


Ecouter le concert sur le site de France Musique



Simon Corley

 

 

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