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Betsy Jolas en son domaine (privé) Paris Cité de la musique 12/06/2006 - Igor Stravinski : Apollon musagète
Betsy Jolas : Frauenleben
Robert Schumann : Symphonie n° 4, opus 120
Antoine Tamestit (alto)
Orchestre national de Lyon, Jun Märkl (direction)
Les quatre-vingts ans de Betsy Jolas, presque aussi discrets que ceux de Kurtag, donnent cependant lieu à quelques hommages appréciables, comme la parution d’un disque monographique chez Accord (voir ici) et la tenue, du 6 au 10 décembre à la Cité de la musique, d’un «Domaine privé» consistant en un forum et cinq concerts. Donnée par l’Orchestre national de Lyon et son directeur musical, Jun Märkl, la soirée inaugurale était à l’image de ces quatre jours de manifestations, qui associeront à ses œuvres celles de compositeurs – depuis Roland de Lassus jusqu’à son fils Antoine Illouz, en passant par Schumann, Debussy ou… Bernstein – auxquels elle manifeste un attachement particulier.
Avec Apollon musagète (1928), le choix de l’une des partitions les plus décriées de la période néoclassique de Stravinski avait de quoi étonner, mais Betsy Jolas le justifie par ses souvenirs personnels, tant de l’auteur, qu’elle rencontra alors qu’elle avait tout juste quinze ans, que de Balanchine, qu’elle vit danser ce ballet. Arrondissant les angles et refusant l’objectivité froide et distante qui prévaut d’ordinaire dans cette musique, Märkl en tire des couleurs quasiment viennoises, même s’il s’agit certes davantage de la Vienne des Strauss que de celle de Schönberg.
Schumann tient de longue date une place centrale dans l’univers de Betsy Jolas. Ne serait-ce que par son titre, Frauenleben (1992) en témoigne de manière évidente, d’autant que la compositrice se définit par ailleurs comme une «romantique». Bien loin de toute tentation «néoromantique», le qualificatif s’applique à merveille à ces «neuf lieder pour alto et orchestre» reliés par des «promenades» dont le principe et le thème sont inspirés des Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Pas plus qu’un chanteur ne lutte avec son accompagnateur, le magnifique alto d’Antoine Tamestit est enveloppé, vingt minutes durant, par un orchestre à l’effectif réduit mais d’une écriture raffinée et imaginative. La parenté est ici frappant avec le «grand frère» Dutilleux, plus particulièrement avec Tout un monde lointain (ses «Houles», ses «Miroirs»…), qui plonge également ses racines dans le romantisme.
Il n’est pas certain que Betsy Jolas ait reconnu «son» Schumann dans la bien étrange Quatrième symphonie (1841) donnée en seconde partie. Non seulement Jun Märkl avait choisi – sans que cela ait été précisé, au demeurant, dans le programme – la version originale, plus abrupte et inaboutie, pour ne pas dire maladroite, créée cent soixante-cinq ans plus tôt jour pour jour, mais son interprétation semblait tout faire pour dérouter l’auditeur, pourtant déjà troublé par les différences substantielles avec la révision de 1851, notamment dans les deux mouvements extrêmes. L’alternance de clarté, de raideur et de sécheresse avec une certaine fluidité et un ton primesautier qui n’est pas sans évoquer la Première symphonie, exactement contemporaine, surprennent en effet, sans compter un Finale saccadé, pris dans un tempo effréné.
Le site de l’Orchestre national de Lyon
Simon Corley
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